de ces remedes, la maniéré de les combiner, & ■ corn- !
bien de tems il faut les continuer.
Nous n’avons donc garde d’iraagirfer qu’il y ait des
remedes qui produifent toujours un effet îalutaire
dans tous les fujets: nous n’entendons par Spécifiques,
comme nous l’avons déjà dit, que les remedes connus
, qui ont généralement une faculté particulière ,
ou fpéciale, dans certaines maladies préférablement
à d’autres. . VI
A plus forte raifon fommes-nous convaincus quil
n’y a ni panacées, ni fecrets, ni Jpècifiques univerfels.
Ceux qui prétendent d’en poffeder, ne font que des
fourbes & des charlatans : ü l’on croit ces gens-là ,
dit la Bruyere, le remede qu’ils ont eft un bien de
famille quis’eft amélioré dans leurs mains ; àeSpécifique
qu’il étoit contre un feul mal, il les guérit tous
par les expériences qu’ils en ont faites ; forcez un
peu votre mémoire, ajoute-t-il, nommez une maladie
, la première qui vous viendra dans l’ efprit,
l’épilepfie, dites-vous, ils la guériffent. Ils ne ref-
ful'citent perfonne, à la vérité , ils ne rendent pas la
vie aux hommes, mais ils les conduifent nécéffaire-
ment à la décrépitude , & ce n’eft que par hafard
que leurs peres & leurs ayeuls, qui avoient leursfpè-
cifiques & leurs fecrets, font morts fort jeunes. ( Le
chevalier D E J A U C O U R T . )
SPECILLUM, ou SPECULUM, eft un infiniment
de chirurgie , qui fert à fonder & écarter les p laies,
&c. c’eft la même chofe que fonde. V o y e ç S o n d e . (F )
SPECTA BILE S , ( Littérature ) titre d’honneur
qu’on donnoit aux nobles du fécond rang fous les
empereurs romains ; mais c’etojf un titre inconnu
du tems de la république. Il y avoit deux autres qualifications
dans le difcours , accordées à la nobleffe,
dont la principale étoit celle de illufires, & la moindre
celle de clarijfimi. ( D . J .)
SPECTACLES , ( Invent. anc. & mod.) repréfen-
tations publiques imaginées pour amufer, pour plair
e , pour toucher, pour émouvoir, pour tenir l’ame
occupée , agitée , quelquefois déchirée. Tous les
fpeclacles inventés par les hommes, offrent aux yeux
du corps ou de l’efprit, des chofes réelles ou feintes ;
& voici comme M. le Batteux, dont j’emprunte tant
-de chofes, envifage ce genre de plaifir.
L’homme, d it-il, eft né fpe&ateur; l’appareil de
tout l’univers que le Créateur femble étaler pour être
vu & admiré, nous le dit affez clairement.' Aufli de
tous nos fens , n’y en a-t-il point de plus v i f , ni qui
nous enrichiffe d’idées , plus que celui de la vue ;
mais plus ce fens eft a&if, plus ilabefoin de changer
d’objets : auflitôt qu’il a tranfmis à l’efprit l’image
de ceux qui l’ont frappé, fpn activité le porte à
en chercher de nouveaux , Si s’il en trouve, il ne
manque point de les faifir avidement. C’eft de - là
que font venus les Jpectacles établis chez prefque toutes
les nations. Il enfant aux hommes de quelque
jefpece que ce foit : & s’il eft vrai que la nature dans
fes effets, la fociété dans fes événemens, ne leur en
fburniffent de piquans que de loin à lo in , ils auront
grande obligation à quiconque aura le talent d’en
créer pour eux, ne fût-ce que des phantômes & des
reffemblances , fans nulle réalité.
Les grimaces, les preftiges d’un charlatan monté
fur des tréteaux, quelque animal peu connu, ou inf-
truità quelque manege extraordinaire, attirent tout
un peuple, l’attachent, le retiennent comme malgré
lui ; & cela dans tout pays. La nature étant la
même par-tout, & dans tous les hommes , favans
& ignorans, grands & petits, peuple & non peuple
, il n’éroit pas pofîible qu’avec le tems les Spectacles
de l’art n’euffent pas lieu dansj la fociété humaine
; mais de quelle elpece devoient-ils être, pour
faire la plus grande imprefîion de plaifir?
On peut préfenter les effets de la nature, uae rivière
débordée, des rochers efearpés, des plaines ^
des forêts , des villes, des combats d’animaux ; mais
ces objets qui ont peu de rapport avtec notre ê tre,
qui ne nous menacent d’aucun m al, m ne nous promettent
aucun bien , font de pures curiofités : ils ne
frappent que la première fois , & parce qu’ils font
nouveaux : s’ils plaifent une fécondé fois , ce n’ eft
que par l’art heureufement exécuté.
Il faut donc nous donner quelque objet plus inté-
reffant, qui nous touche de plus près ; quel fera cet
objet ? nous-mêmes. Qu’on nous rafle voir dans d’autres
hommes , ce que nous fommes', c’eft de quoi
nous intéreffer , nous attacher, nous remuer vivement.
V
L’homme étant compofé d’un corps & d’une ame,
il y a deux fortes de Spectacles qui peuvent l’intéref-
fer. Les nations qui ont cultivé le corps plus que l’efprit,
ont donné la préférence aux Spectacles où la force
du corps & la fouplefle des membres fe mon-
troient. Celles qui ont cultivé l’efprit plus que le
corps , ont préféré les Spectacles ou on voit les ref-
fources du génie & les reflorts des pallions. Il y en
a qui ont cultivé l’un & l ’autre également, & les
Spectacles des deux efpeces, ont été également en
honneur chez eux.
Mais il y a cette différence entre ces deux fortes
deSpectacles, que dans ceux qui ont rapport au corps,
il peut y avoir réalité, c’eft-à-dire que les chofes peu-
vent s’y paffer fans feintes & tout de bon, comme
dansXts Spectacles des gladiateurs, oiiils’agiffoitpour
eux de la vie. Il peut le faire aufli que ce ne foit qu’une
imitation de la réalité, comme dans.ces batailles
navales où les Romains flatteurs repréfentoient la
viftoire d’A&ium. Ainfi dans ces fortes de Spectaclesy
l’aâion peut être ou réelle , ou feulement imitée.
Dans les Spectacles où l’ame fait- fes preuves, il
n’eft pas polfible qu’il y ait autre chofe qu’imitation 9
parce que le deffein feul d’être vu contredit la réalité
des pallions : un homme qui ne fe met en colere,
que pour paroître fâché, n’a que l’image de la colere
; ainfi toute paflïon, dès qu’elle n’eft que pour lé
Spectacle, eft néceffairement paflïon imitee , feinte*
contrefaite : & Comme les opérations de l’efprit font
intimement liées avec celles du coeur, en pareil cas,
elles font de même que celles du coeur, feintes & artificielles.
D ’où il fuit deux chofes : la première que les Spectacles
où on voit la force du corps & la fouplefle, ne
demandent prefque point d’art, puifque le jeu en eft
franc, férieux , & réel ; & qu’au contraire ceux où
l’on voit l ’aûion de l’ame, demandent un art infini,
puifque tout y eft menfonge , & qu’on veut le faire
paffer pour vérité.
La f éconde conféquence eft que les Jpectacles du.
corps doivent faire une imprefîion plus vive , plus
forte ; les fecouffes qu’ils donnent à l’ame , doivent
la rendre ferme, dure, quelquefois cruelle. LesSpectacles
de l’ame au-contraire, font une imprefîion plus
douce, propre àhumanifer, à attendrir le coeur plutôt
qu’à l’endurcir. Un homme égorgé dans l’arene ,
accoutume le fpe&ateur à voir le fang avec plaifir.
Hippolyte déchiré derrière la feene, l’accoutume à
pleurer fur le fort des malheureux. Le premier fp tc‘
tacle convient à un peuple guerrier , c’eft-à-dire def-
truâeur; l’autre eft vraiment un art de la paix, puif-
qu’il lie entr’eux les citoyens par la compaflion &
l’humanité.
Les derniers Spectacles font fans doute les plus dignes
de nous, quoique les autres foient une paflion
qui remue l’ame & la tient occupée. Tels étoient
chez les anciens le Spectacle des gladiateurs, les jeux
olympiques, circenfes & funèbres ; & chez les modernes
, les combats à outrance , & les joûtes à fer
émoulu qui Qnt ççffé. La plupart des peuples polis
ne goûtent plus que les Spectacles menfongers qui
ont rapport à l’ame, les opéras , les comédies , les
tragédies les pantomimes. Mais une chofe certaine,
c’eft que dans toute efpece de Jpectacles, on veut être
emu, touché, agité ou par le plaifir de l’épanouiffe-
ment du coeur, ou par fon déchirement, efpece, de
plaifir ; quand les aûeurs nouis laiffent immobiles ,
on a regret à la tranquillité qu’on emporte , & on
eft indigne de ce qu’ils n’ont pas pu ttroubler notre
repos.
C’eft le même attrait d’émotion qui fait aimer les
inquiétudes & les alarmes que caulent les périls où
l’on voit d’autres hommes expofés , fans avoir part
à leurs dangers. Il eft touchant, dit Lucrèce , de nat.
rer. lib. II. de confidérer du rivage un vaiffeau luttant
contre les vagues qui le veulent engloutir, comme
de regarder une bataille d’une hauteur d’où l’on voit
en fureté la mêlée.
Suave mari magno turbantibus æquora vends
E terra alterius magnum fpeclare laborem ;
Suave etiam bclli certamina magna tueri
Per campos injlructa tui fine parte pericli.
Perfonne n’ignore la dépenfe exceflive des Grecs
& des Romains en fait de fpectaclés, & fur-tout de
ceux qui tendoient à exciter l’attrait de l’émotion.
La repréfentation de trois tragédies de Sophocle
coûta plus aux Athéniens que la guerre du Péiopon-
nèfe. On fait les dépenfes immenfes des Romains
pour élever des théâtres, des amphithéâtres & des
cirques, même dans les villes des provinces. Quelques
uns de ces bâtimens qui fubfiftent encore dans
leur entier, font les monumens les plus précieux d e ,
l’architeûure antique. On admire même les ruines
de ceux qui font tombés. L’hiftoire romaine eft encore
remplie de faits qui prouvent la paflion déme-
furée.du peuple pour 1 es Spectacles, & que les princes
& les particuliers failoient des frais immenfes
pour la contenter. Je ne parlerai cependant ici que
du payement des, a fleurs. Æfopus, célébré comédien
tragique jk le contemporain de Cicéron , laiffa
en mourant à ce fils, dont Horace & Pline font mention
comme d’un fameux diflipateur, une fucceflion
de cinq millions qu’il avoit amaffés à jouer la comédie.
Le comédien Rofcius , l’ami de Cicéron, avoit
par an plus de cent mille francs de gages. Il faut
même qu’on eût augmenté les appointemens depuis
l’état que Pline en avoit vu drefie, puifque Macro-
bé dit que ce comédien touchoit des deniers publics
près de neuf cens francs par jour, & que cette iomme
étoit pour lui feul : il n’en partageoit rien avec fa
troupe.
.Voilà comment la république romaine payoit les
gens de théâtre. L’hiftoire dit que Jules Cétar donna
vingt mille écus à Laberius, pour engager ce poète
à jouer lui-même dans une piece qu’il avoit coinpo-
fée. Nous trouverions bien d’autres profilions lous
les autres empereurs. Enfin Marc-Aurele, qui fou-
vent eft défigné par la dénomination d’Antoriin le
philofophe , ordonna que les afleurs qui jouroient
dans les Spectacles que certains magiftrats étoient tenus
de donner au peuple , ne pourroient point exiger
plus de cinq pièces d’or par repréfentation, &
que celui qui en faifoit les frais ne pourroit pas leur
donner plus du double. Ces pièces d’or étoient à-peu-
près de la valeur de nos louis, de trente au marc, &
qui ont cours pour vingt-quatre francs. Tite-Live
finit fa differtation fur l’origine & le progrès des re-
préfentations théâtrales à Rome , par dire qu’un di-
vertiffement, dont les commencemens avoient été
peu de chofe , étoit dégénéré en des Jpectacles fi
fomptueux, que les royaumes.les plus riches au-
roient eu peine à en foutenir la dépenfe.
Quant aux beaux arts qui préparent les lieux de
la feene des Spectacles , c’étoit une chofe magnifique
chez les B.omains. L’architefture, après avoir formé
ces lieux , les embelliffoit par le fecours de la peinture
& de la fculpture. Comme les dieux habitent
dans l’olympe, les rois dans des palais, le citoyen
dans fa mailon , & que le berger eft aflis à l’ombre
des bois , c’eft aux arts qu’il appartient de repréfen-
ter toutes ces chofes avec goût dans les endroits
deftinés aux Spectacles. Ovide ne pouvoit rendre le
palais du foleiltrop brillant, ni Milton le jardin d’E-
den trop délicieux : mais fi cette magnificence eft
au-deffus des forces des rois, il faut avouer d’un autre
côté que nos décorations font fort mefquines, &
que nos lieux de Jpectacles, dont les entrées reffem-'
blent à celles des prifons, offrent une perfpeûive
des plus ignobles. ( Le Chevalier d e J a u c o u r t . )
SPECTATEUR, eft u n e p e r fo n n e qui a flïfte à un
fp e t t a c le . Poye^ S p e c t a c l e .
Chez les Romains, fpe&ateurs, fpectatores, figni-
fioient plus particulièrement une forte de gladiateurs ‘
qui avoient obtenu leur congé, & qui étoient fou-'
vent gagés pour aflifter comme Spectateurs aux combats
de gladiateurs, &c. dont on régaloit le peuple/
p 'o y e i G l a d i a t e u r .
SPECTRE, f. m. (MêtaphySique.) on appelle Spectres
certaines iùbftances fpirituelles, qui le font voir
ou entendre aux hommes. Quelques-uns ont cru que
^’étoient des âmes des défunts qui reviennent & fe
montrent fur la terre. C’étoit le fentiment des Platoniciens
, comme on le peut voir dans le Phédon de
Platon , dans Porphyre , &c. En général l’opinion'
touchant l’exiftence dtsSpectres étoit affez commune
dans le paganifme. On avoit même établi des fêtes
& des folemnités pour les âmes des morts afin
qu’elles ne s’avifaffent pas d’effrayer les hommes par
leurs apparitions. Les cabaliftes & les rabbins parmi
les Juifs n’étoient pas moins pour les Jpectres. Il faut
dire là même chofe des Turcs, & même de prefque
toutes les feéles de la religion chrétienne. Les preuves
que les partifans de cette opinion en donnent,
font des exemples ou profanes ou tirés de l’Ecriture-
fainte. Baronius raconte uh fait, dont il croit que
perfonne ne peut douter : c’eft la fameufe apparition
de Marfilius Ficinus à fon ami Michael Mercato. Ces
deux amis étoient convenus que celui qui mourroit
le premier; reviendroit pour inftruire l’autre de là
vérité des chofes de l’autre vie. Quelque tems après,
Mercato étant occupé à méditer fur quelque chofe ,
entendit tout-d’un-coup une voix qui l’appelloit:
c’étoii fon ami Ficinus qu’il vit monté fur un cheval
blanc, mais qui dilparut dans le moment que
l’autre l’appella par fon nom.
La fécondé opinion fur l’effence des Spectres eft
"celle de ceux qui croient que ce ne font point les
âmes qui reviennent, mais une troifieme partie dont
l’homme eft compofé. C ’eft-là l’opinion de Théo-
phrafte , Paracelfe, & tous ceux qui croient que
l’homme eft compofé de trois parties; favoir de l’ame,
du corps & de Pefprit. Selon lui, chacune de fes parties
s’en retourne après la mort à l’endroit d’où elle
étoit fortie. L’ame qui vient de Dieu , s’en retourne
à Dieu. Le corps qui eft compofé de deux élémens
inférieurs, la terre & l’eau , s’en retourne à la terre,
& la troifieme partie , qui eft l’efprit, étant tirée des
deux élémens lupérieurs l’air & le feu, s’en retourne
dans l’air, où avec le tems elle eft diffoute comme
le corps ; & c ’eft cet efprit, & non pas l’ame, qui fe
mêle des apparitions. Théophrafte ajoute qu’il le fait
voir ordinairement dans les lieux & auprès des cho- -
fes qui avoient le plus frappé la perfonne qu’il ani-
moit ; parce qu’il lui en étoit refté des impreflions
extrêmement fortes'.
La troifieme Opinion eft celle qui attribue les apparitions
aux efprits élémentaires, Paracelfe & quel-.