pour s’affure? une fa&ion puiffante dans la perfonhe I
des nouveaux fénateurs fes créatures.
Depuis l’expulfion des rois jüfqu’à l’établiffement
de la ceniure, c’eft-à-dire pendant un intervalle de
plus de 6o.ans , nous ignorons de quelle maniéré on
rempliffoit les places vacantes des fenateurs ; mais s’il
eft vrai que lefénat commença dès-dors à être renouvelle
par les magiftrats annuels, qui vers ce même
tems furent choifis par le peuple , c’eft qu’il y avoit
deux quefteurs pris dans les familles patriciennes,
cinq tribuns du peuple, 8c deux édiles plébéiens, qui
en vertu de leurs charges , eurent l’entrée du fénat,
& complétèrent les places qui vaquoient ordinairement
dans ce corps.
Dans le cas des vuides extraordinaires occafion-
nés par les malheurs de la guerre du dehors, les dif-
fentiôns domeftiques où autres accidens, le fénat
avoit befoin d’une augmentation plus confidérable
que celle qu’il pouvoit tirer des magiftratures publiques.
Or pour remplir les places vacantes dans de
tels cas, il eft vrailfemblable que les confuls choifif-
foient dans l’ordre équeftre un certain nombre de
citoyens d’une probité reconnue qu’ils propofoient
au peuple dans les affemblées générales, pour en faire
l’élecfion , ou pour l’approuver ; 8c le peuple de fon
cô té , pour autorifer la lifte qu’on lui préfentoit, don-
noit à ceux qui y étoient nommés, le rang 8c le titre
de fénateurs à vie.
Lorfque la cenfure fut établie, l’an de Rome 3 1 1 ,
pour foulager les confuls du poids de leur adminif-
tration, 8c pour examiner les moeurs de tous les citoyens
, plufieurs fénateurs furent chaffés du fénat
par les cenfeurs , prefque toujours pour des raifons
juftes ; quelquefois cependant par un efprit d’envie ,
ou par un motif de vengeance : mais dans des cir-
conftances de cette efpece, on avoit toujours la liberté
d’appellerde ce jugement à celui du peuple; de
forte que le pouvoir des cenfeurs, à proprement parler
, n’étoit pas celui de faire des fénateurs , ou de
les priver de leur rang, mais feulëment d’infcrire
ceux que le peuple avoit choifis de veiller fur leur
conduite , 8c decenfurer leurs défauts , objets fur
lefquels ils avoient reçu du peuple une jurifdiftiôn
exprefie. Cet ufage de cenfurer les moeurs paroît
fondé fur une ancienne maxime de la politique romaine
, qui exigeoit que le fénat fût exempt de toute
tache , & que les membres de ce corps donnaffentun
exemple de bonnes moeurs à tous les autres ordres
de l’état.
Après avoir parlé de la création du fénat 8c de la
maniéré d’en remplir les places vacantes, il faut faire
connoître le pouvoir 8c la jurifdi&ion de cet iiluftre
corps. Les anciens auteurs qui ont traité des a&ions
publiques , s’accordent tous à dire que le fénat don-
noitfôn attache ou decrétoit , 8c que le peuple or-
donnoitou commandoit tel ou tel atte. Ainfi puifque
rien de ce qui regardoit le gouvernement ne pouvoit
être porté devant le peuple avant qu’il n’eût été
examiné par le fénat : dans plufieurs autres occafions
oit la célérité 8c le fecret étoient requis , 8c lorfque
les décifions de ce corps étoient fi juftes & fi prudentes
, que le confentement du peuple pouvoit fe p’ré-
fumer ; dans ces occafions , dis-je, le fénat ne pre-
noit pas le foin de convoquer le peuple , de peur de
le déranger de fes affaires particulières en le raffem-
blant inutilement ; & ce qui dans les premiers tems
n’avoiteu lieu que pour des affaires de peu deconfé-
quence , fut obfervé dans les fuites lors des affaires
les plus férieufes 8c les plus importantes. Le fénat ac-
quit donc ainfi une jurifdiâion particulière , 8c la
connoiffance de quelques matières à l’ exclufion du
peuple, dont le pouvoir abfolu s’étendoit fur-tout,
fuivant les lois 8c la conftitution du gouvernement ;
par exemple :
i°. Le fénat prit pour lui l’infpeâion Sc la furinteii-
dance de la religion , de forte qu’on ne pouvoit admettre
quelque nouvelle divinité, ni leur ériger d’autel
ni confidter les livres fibyllins fans l’ordre exprès
du fénat.
20. L’une des prérogatives de ce corps fut de fixer
le nombre 8c la condition des provinces étrangères ,
qui tous les ans étoient affignées aux magiftrats ; c’é-
toit à lui de déclarer quelles de ces provinces étoient
les confulaires, 8c quelles étoient les prétoriennes.
30. Le fénat avoit entre fes mains la diftribution
du tréfor public. Il ordonnoit toutes les dépenfes dii
gouvernement ; il aflignoit les appointemens des généraux
, déterminoit le nombre de leurs lieutenans ,
de leurs troupes, des fournitures , des munitions 8c
des vêtemens de l’armée. Il pou voit, à fa v olonté,
confirmer ou cafter les ordonnances des généraux, 8c
prendre au tréfor l’argent néceffaire pour les triomphes
qu’il avoit accordés ; en un m ot, lefénat avoit
l’autorité dans toutes les affaires militaires.
40. Il nommoit les ambafladeurs que Rome en-
v o y o it , 8c fourniffoit les fecours néceffaires aux
peuples indigens. Il ordonnoit la maniéré dont on
devoit recevoir 8c renvoyer les miniftres étrangers ,
8c rédigeoit ce qu’on devoit leur dire ou leur repon»
d re , de forte que pendant l’abfence des confuls la république
parut toujours gouvernée par le fénat. Il
pouvoit, au bout de l’an , prolonger le commandement
aux confuls , 8c le donner à d’autres. Tiberius
Gracchus voulant diminuer l’autorité du fénat, fit
paffer la loi que dans la fuite le fénat ne pourroit pas
permettre que perfonne gouvernât plus d’un an une
province confulaire. Mais il femble que les Grac-
ches augmentèrent par ce moyen plutôt qu’ils ne diminuèrent
l’autorite du fénat, puifque par la loijîm-
pronia , dont parle Cicéron, Caïus Gracchus ftatua
que le gouvernement des provinces feroit toujours
donné annuellement par le fénat.
50. Il avoit le droit d’ordonner des prières publiques
, des aftions de grâces aux dieux pour les victoires
obtenues , ainfi què le droit de conférer l’honneur
de l’ovation ou du triomphe , avec le titre ü empereur
aViX généraux victorieux.
6°i Une de fes affaires 8c de fes foins étoit d’examiner
les délits publics, de rechercher les félonies ou
les trahifons, tant à Rome que dans les autres parties
de l’Italie , de juger les conteftations entre les
alliés 8c les villes dépendantes. Cependant quand il
s’agiffoit de juger des crimes capitaux, lefénat ne
fe croyoit pas le feul juge. En effet, lors du facrile-
ge de Clodius, quand les myfteres de la bonne déeffe
furent profanés , les confuls demandèrent la jonCtion
du peuple pour décider de cette affaire ; 8c il fut déterminé
par un fenatus-copfiilte que Clodius ne pouvoit
être jugé que par les tribus affemblées.
70. Il exerçoit non-feulement le pouvoir d’ interpréter
les lois , mais encore de les abroger , 8c de
difpenfer les citoyens de les fuivre.
8°. Dans le cas des diffentions civiles, des tumultes
dangereux de l’intérieur de Rome , 8c dans toutes
les affaires très-importantes, le fénat pouvoit accorder
aux confuls un pouvoir illimité pour le gouvernement
de la république , par cette formule que
Céfar appelle la derniere reffource de l’é ta t , que Us
confuls euffent foin qu’il r? arrivât aucun dommage a la
république. Ces paroles donnoient une telle autorité
aux confuls, qu’ils étoient en droit de lever des troupes
comme bon leur fembleroit, faire la guerre, 8c
forcer les fénateurs 8c le peuple ; ce qu’ils ne pou-
voient pas exécuter, au rapport de Salufte, fans la
formule exprefie dont nous venons de parler.
a°.Le fénat étoit le maître de proroger, ou de renvoyer
es affemblées du peuple , d’accorder le titre
I de roi à quelque prince, ou à ceux qu’il lui planoit
de favoriier. C ’étoit à ce corps de déférer les a fiions
de grâces ou les éloges à ceux qui les avoient mérites
; le pardon 8c la récompenfe aux ennemis, ou
à ceux qui avoient découvert quelque trahifon ; il
avoit le droit de déclarer quelqu’un ennemi de la
patrie , 8c de preferire un changement général d’habits
dans le cas de quelque danger, ou de quelque
malheur preffant.
io°. Tels étoient les principaux chefs dans lefquels
lefénat avoit conftamment exercé une jurifdiffion
particulière à l’exception du peuple. Ce n’étoit pas
en 'conféquence de quelque loi exprefie ; mais en fe
conformant aux coutumes 8c aux anciens ufages qui
avoient eu lieu dès les premiers tems ; & comme on
eprouvoit, par une longue expérience, que c’étoit
la maniéré la plus utile de régler les affaires publiques
, 8c la plus convenable pour maintenir la tranquillité
8c le bonheur des citoyens , cette jurifdiélion
fu t , du confentement tacite du peuple , laiffée entre
les mains du fénat, bien plus comme une chofe de
convenance que de droit. Ainfi , dans l’objet du bien
public , cet ufage fut plutôt approuvé 8c toléré
qu’il ne fut accordé.
Mais toutes les fois qu’un tribun entreprenant, ou
que quelque magiftrat fa&ieux mécontent d’obtenir
lelon l’ufage les dignités de la république , que le
fénat étoit difpofé à lui accorder , fe déterminoit à
recourir à l’autorité du peuple, pour obtenir quelque
diftin&ion particulière ; dans ce cas , le peuple excité
par les intrigues 8c l’artifice de ces hommes faftieux
quife déclaroient leurs chefs , cherchoit à reprendre
les différentes parties de cette jurifdidion dont j’ai
parlé, 8c qui avoit toujours été adminiftrée par le
fénat. Depuis que cette méthode avoit été employée
avec fuccès dans quelques cas, elle devint infenfible-
ment le recours de tous ceux q ui, pour fatisfaire leur
ambition, affedoientuncaradere de popularité. Elle
fut portée fi loin à la fin , que le Jenat tut dépouillé
de tout fon pouvoir 8c de toute l’influence qu’il avoit
dans les affaires publiques.
Paffons à la convocation 8c aux lieux d’affemblées
du fénat.
Le fénat étoit toujours convoqué par le didateur
lorfqu’on le créoit dans quelque conjondure critique
; mais dans tous les autres cas , le droit de convoquer
le fénat appartenoit aux confuls , fuprèmes
magiftrats de la republique. Dans leur abfence , ce
droit étoit dévolu, félon les lois., aux magiftrats fu-
bordonnés, tels que les préteurs 8c les tribuns. Il efi
vrai que ces derniers fe croyoient fondés à. convoquer
lefénat dans quelque tems que ce fût, 8c lorfque
les intérêts du peuple le requéroient ; mais malgré
cette prétention, par refped pour l’autorité con-
fûlaire , on ne convoqua jamais de cette maniéré le
fénat, que lorfque les confuls étoient abfens ; à moins
que ce ne fût dans des affaires d’importance 8c dans
des cas imprévus, oiiil falloit prendre une prompte
détermination. Enfin , lorfque les décemvirs , les
entre-rois ou les triumvirs; furent établis pour gouverner
la république, ce n’étoit qu’à eux qu’il appartenoit
de convoquer le fénat, comme Aulugelle
le rapporte après Varron.
Dans les premiers tems de Rome, lorfque l’enceinte
de la ville étoit peu confidérable, les fenateurs
étoient appellés perfonnellement par un appariteur,
ou par un courier, quelquefois par un crieur public
1 quand les affaires exigeoient une expédition
immédiate. Mais dans les tems poftérieurs, on les
convoquoit d’ordinaire par le moyen d’un édit qui
aflignoit le tems 8e le lieu de l ’affemblée, 8c que l’on
publioit quelques jours auparavant, afin que la connoiffance
& la notoriété en fuffent publiques. Ces
édits n’avoient communément lieu que pour ceux
qui refidoient à Rome, ou qui en étoient peu éloi-
Tomt JCF*
gnés. Cependant quand il s’agiffoit de traiter quelque
affaire extraordinaire , il paroît qu’ils étoient aufli
publies dans les autres villes d’Italie. Si quelque fé*
nateur refufoit ou négligeoit d’obéir A l’appel, le
conful l’obligeoit de donner des fûretes pour le payement
d’une certaine fomme , au cas que les raifons
de fon abfence ne fuffent point reçues. Mais dès que
les fénateurs étoient parvenus à l’age de foi Xante ans,
ils n’étoient plus affujettis à cette peine , 8c ils n’é-
toient plus obligés de fe rendre dans les aflèmbLées ,
que lorfqu’ils le vouloient bien.
Dans les anciens tems, au rapport de Valéruts,
les fénateurs étoient fi occupés du bien public , que
fans attendre un édit, ils étoient dans l’habitude de
fe raffembler d’eux-mêmes fous un certain portique
près le palais du fénat, d’où ils pouvoient s’y rendre
promptement , dès que le conful étoit arrivé. Ils
croyoient à peine digne d’éloge leur attention à s’acquitter
des'devoirs de leur état 8; de leurs obligations
envers la patrie , fi ce n’étoit volontairement
8c de leur propre g ré , 8c s’ils attendoient le commandement
d'autrui, ou l’int mation qui leur en feroit
faite. Mais oit s’affembloiçnt ils ?
Les anciens Romains , pleins de religion 8c de
vertu , avoient coutume d’affembler le fénat dans
un lieu facré dédié aux apfpices , afin que la p,ré-
fence de la divinité fervît à faire rentrer en eux-mê?
mes ceux qui fongeroient a s ’écarter des reglçs de la
probité. Romulus le convoquoit hors de là ville dans
le temple de Vuicain, 8c Hoftilius dans la curie Hof-
tihe. Nous liions , dans‘,les. anpiens auteurs, qu’après
1 expulfion des rois , le fénat, sîaffembloit tantôt dans
les temples-de Jupiter,, d’Apollon' , de Mars, de Bel-»
lone, de Çaftor, de la Concorde, de la Vertu, de la
Fidélité , 8c tantôt dans les curies Hpftilienne 8C
Pompéienne , dans lefquel’es les augures avoient fait
bâtir des temples pour cet effet. Tous ces temoles
foi moient les lieux d’affemblée àw fénut. Voyc^ T emples
des affemblées du fénat.
Il y avoit des tems marqués pour affembler le fénat
, favoir les calendes , les nones 8c les. ides , excepté
les jours des .comices , pendant lefque s on
traitoit; avec:1e peuple. Dans ces jours là , la loi Pa-
pia défendoit d’affembler 1 e fénat, afin que les féna-r
teurs ne fuffent point diftraits dans leurs fuffracres ;
mais fuivant la loi Gabinia , les fénateurs dévoient
s’affembler pendant tout le mois de Février .pour répondre
aux gouverneurs de provinces 8c recevoir les
ambafladeurs. Lorfque le fénat s’aflèmbioit dans les
jours fixes marqués ci-defTus>,, on l’appelloit le vrai
fénat ; lorfqu’il s’affembloit hors de ce tems-là , &C
extraordinairement pour traiter de quelque affaire
de conféquence 8c inopinée , on le nommoit Jénat
convoqué; 8ç il l’étoit alors par le premier magistrat.
De-là cette diftinction de fénat ordinaire 8c de
fénat convoqué , que nous liions dans Capitolain ,
cité par Gordianus.
Lefénat, félon l’ufage , s’affembloit toujours le
premier de Janvier,pour l’inauguration des nouveaux
confuls, qui prenoient alors poffeifion de leurs charges.
Il s’affembloit aufli quelques autres jours du
même mois, félon les anciens auteurs , 8c il n’y
avoit d’exceptés , qu’un ou deux jours de ce mois
jufqu’au quinzième. La derniere partie de Janvier
étoit probablement deftinée pour les affemblées du
peuple ; le mois de Février étoit refervé tout entier
par Fancien ufage au fénat, pour donner audience
aux ambalfadeurs étrangers ; mais dans tous ces mois
généralement, il y avoit trois jours qui par jiffent
avoir été deftinés d’une façon plus particulière aux
affemblées du fénat. Ces trois jours étoient es calendes,
les nones 8c les ides^’eftee qu’on préj-uge des
fréquentes affemblées tenues dans ces jours , 8c qui
font rapportées dans l’hiftoire ; mais dans la fuite