■ avoit de la continuation d’un dictionnaire qui auroit
honoré la nation, font maïheureiifement aujourd’hui
très-foibles ( c ) . On ne fe flatte plus guère de Lire les-
articles Régie & RègiJJeur, qui euflent fans doute
offert wnç réfutation comple-tte de ceux qui contiennent
des réflexions mal digérées, des affertions légères
6c une critique peu judicieufe de plufieurs
paffages de Vefprit des lois. Il faut donc tâcher de les -détruire dans un morceau particulier, & d’empêcher
que l’étranger ne fe méprenne dur les idées
•qu’ont les François du crédit & de la finance.
Un coup-d’oeil rapidement jetté fur les doutes pro-
pojés à fauteur de la théorie de l ’impôt, conduira naturellement
à l’examen des mots ferme ^financier, oh
l ’on retrouve les mêmes principes de la citation entière
defquelsl’anonyme s’eft fervi contre l ’ouvrage
-de M..de M .. . . . • ^
Je. tombe (p. 38. ) fur une obfervatton fauffe &
perfide : faulle , parce qu’elle donne à une phrafe
'tin 1ens dont elle n’eft point fufceptible : perfide,
.parce-qu’elie dénonce une exprefiion innocente fous
tin rapport odieux. M. de M ... .a dit: lorfque les
peuples reçoivent un chef. , foit par élection , J'oit par
adroit héréditaire, fur quoi l’on obferve avec affe&ation,
que recevoir ne peut s'entendre que de ce qu'on a droit
-de refufer : or ., ajoute-t-on , dans un royaume héréditaire
, le choix ne dépend pas du peuple. M. de M.... ^voit-il laiffé la moindre équivoque ? En écrivant
■ droit héréditaire, n’établiffoit-il pas que le peuple ne
-pouvoit, ni refufer , ni choifir , putfque-fon louve-
xain l’étoit de droit ?
M. de M.... a témoigné p . ■1S8. & 16.1. ) fes allar-
xnes fur P abus qu'on pouvoit faire de la fouyeraineté j
-on lui en fait un crime grave (p. 140. des doutes ).
■ Eh quoi ! cette appréhenfion contredit-elle la confiance
qu’il a dans la bonté paternelle du fouverain ?
Quand on voit la flatterie emprefiée à empoifonner
le coeur des rois ; quand on réfléchit fur la facilité &
liir le penchant qu’ont tous les hommes à être incultes,
dès qu’ils ne font point arrêtés par le frein de
la loi ; quand on médite fur les fuites de cet abus fatal
aux moeurs qu’il corrompt, à la liberté qu’il enleve
6c à rhumanité qu’il dégrade , le vrai citoyen peut-
il trop multiplier les a v is , les prières, les images &
tous les relions de cette éloquence qui maîtrife
l ’ame ?
« J’employe, a-t-on dit dans la théorie de Vimpôt,
■»> ( p. i8y.) cinq mille livres querapporte ma terre,
» au loyer d’une maifon ; fi le file prétend encore fon
î> droit fur cette location, il tire d’un fac deux mou-
-» tures ». Sûrement ce raifonnement n’eft point fo-
-ïide , mais la répliqué ne l’eft pas davantage : car
Soutenir ( p. 64. des doutes ) , que c’eft le propriétaire
de la maifon & non le locataire qui paye l’im-
pofition , c’eft avancer que c’eft le marchand, & non
l ’acheteur particulier, qui eft chargé des droits d’entrée
, tandis que les loyers, comme les marchan-
difes , augmentent en raifon des impôts qu’ils Emportent
: il falloir fe borner à prouver que la poffef-
fion qui donne, un revenu , eft très-diftînfte de l’emploi
qu’on peut faire de ce même revenu ; que la propriété
d’un fonds eft indépendante d’une location ; &
qu’ainfi les droits impofés tombent fur deux objets
réellement différens , quoique réunis fous la même
anain.
L’anonyme veut démontrer à M. de M...(p. yo. )
que le premier objet du contrôle des aftes, eft d’en
conftater la date & d’en affurer l’authenticité, & que
le droit qu'on a joint a la formalité, rien change point
la véritable deflination. L’anonyme s’eft trompé : la
quotité exorbitante du droit contredit abfolument
le but du lcgiflateur, puifqu’il eft de fait que les par-
( c ) L’auteur ne partait pas fans beaucoup de vraiflèra-
blance. Les jéfuites exiftoient encore lorfqu’il écrivoit. .
ticuliers àiment.mieiix encourir les peines de nullité
6c la privation d’hypotheque., en rédigeant leurs
conventions fous fignature privée, que d’acquitter
les droits immenfes.auxquels font affujettis les contrats
publics. Eft-on quelquefois contraint d’en paf-
fer ? on ne balance pas alors à s’expefer aux dangers
d’un procès , en fupprimant des claufes dont
rénonciation rendroit la formalité trop difpendieuf'e,
ou en les embrouillant pour tâcher d’en fouftraire la
connoiflance aux yeux avides du traitant. C ’eft ainfi
que la condition du fujet eft devenue pire'qu’elle
n’étoit avant l’établiffement du contrôle : fi la fureté
©toit alors moins grande à certains égards , elle l’é-
tôitplus à d’autres ; & Certainement elle étoit plus
générale: la mauvaife foi altéroit moins d’aftes que
la crainte'des droits n’en annulle aujourd’hui que
les riches feuls peuvent s’y foumettre. je dis la même
chofe de Yinfinuation 6c du centième denier ; en ap-
plaudilfant à l’ inftitution, je demande-quela loi foit
certaine, pour que la perception ne foit pas arbitraire
; -qu’elle foit claire , pour que celui qui paye
fâche pourquoi il paye ; que le droit foit léger , pour
que fa modicité permette de jouir de l’avantage qu’il
procure ; qu’il foit volontaire , pour que le peuplé
conçoive que c’ eft en fa faveur ,& non pris en faveur
d’un fermier qu’ il fe leve 6c qu’il eft établi. Le centième
denier, par exemple, dit l’auteur, ejl repréfen-,
tatif de ldds 6*. ventes ; je le prie de me dire pourquoi
on en ex ig e, lors même que les mutations ne don-*
nentpas ouvertureaux droits feigneuriaux ? Plufieurs
queftions de ce genre convaincraient que le légal
des édits n’eft qu’un prétexte, 6c que le burfal en eft
le motif.
Que veut-on dire par cette fentence énigmatique
'.Poifiveté a fon utilité, ce qiielle confomme eflfon
tribut ? ( p. 16 6 .} Ignore-t-on que quand quelqu’un
ne fait rien , un autre meurt de faim dans l’empire ?
qu’il ne peut y avoir dans un corps politique parfaitement
fain , un membre qui reçoive fans donner }
que le tribut n’en fauroit être paffif ? Voilà cependant
ce que l’auteur des doutes appelle une vérité
qu’zV faudrait méditer pour en découvrir dé autres ; elles
feraient probablement du même genre : on apprendrait
, par exemple , que l'oifif ejl maître de fon loi-
Jîr (p . 168. ) , ce qui ne laifl’e pas que de compofer
un bon fonds pour affeoir un impôt.
On accufe aufli M. de M. de s’interdire les ref-
fources du crédit (p. iy o. ), & on raifonne à perte de.
vue d’après cette lu ppofition qui eft très-gratuite.L’<z-
rni des hommes exclut le crédit, qui ne confifte qu’eii
expédiens , qui ne vient que des pertes que le roi
fait avec certaines compagnies ; qui excede le degré
fondé fur le revenu général de la nation ; qui détruit
les arts , l’induflrie, le commerce , après avoir
anéanti la population & l’agriculture ; qui ayant
defféché le germe de la profpérité d’un état, le deshonore
& l’expofe à une révolution funefte ; mais if
eft le partifan de ce crédit, qui naît de la confiance
& d’une adminiftration éclairée (théorie de P impôt,
p. 1S0. ),qui eft conféquent à ce principe : faites peu
d'engagemens , & acquitteç-les exactement. En effet, la
faculté d’emprunter , qui porte fur l’opinion conçue
de l’affurance du payement, conftitue l’èffence du
crédit folide ; elle n’entraîne ni la création de nouveaux
impôts , ni l’extenfion des anciens ; & voilà
celle qu’adopte un miniftre intelligent.
M. de M... a parlé de la cefiion des reftes du bail
des fermes générales ( p. 406 f 40 6 , &c. de la théorie
de C impôt ) ; il en follicite une fevere liquidation.
Son critique répond à fes plaintes fur ce fujet, en
differtant fur l’abus qu’il y avoit de les comprendre
dans des affaires particulières, comme on faifoit autrefois
, au lieu de les réunir à la nouvelle adjudication
, comme on fait depuis quçlque tems. De ce que
Bâbus etoit très-grand dans la forme pàffée,s’ettfuit-iî
que la préfente n’en ait aucun ? Et fi elle en a , n’eft-
on pas autoriié à s’en plaindre ( d') } N’eft-il pas de
l’injuftïce la plus criante de laiffer fubfifter ces recherches
interminables* contre lefquelles le citoyen
ne peut jamais affurer fa tranquillité, & d’exiger des
arrérages de vingt années, lorfqu’on reftreint à deux
les répétitions que les parties qui ont trop payé font
en droit de demander?
« Ce mot de liberté , que chacun interprète ou
» confirme , admet ou rejette , fait aujourd’hui la
bafe la plus générale des projets * des écrits & des
» converiàtions : on en a même fait une forte de cri
» de guerre , un fignal de combat ; il nous eft venu
» d’Angleterre , & peut-être n’eft-ce pas-là un des
» moindres torts, que nous aient fait- nos voifins ».
Cet étonnant langage, qu’un efclave avili -fous un
defpote de l’Orient auroit de la peine à prononcer,
fe trouve à la page 186 des doutes. N’eft-on pas indigné
dé tant d’humiliation ? Un ro i, le pere de fes
peuples , peut-il être plus noblement loué , que lorfque
la liberté fait la bafe des écrits , des projets & des
converfaùons ? C’eft l’éloge le plus pur & le plus ar-
tendriffant qu’on puiffe faire d’un fouverain , que de
s’entretenir devant lui du plus grand des biens. On
ne le prononce pas-fous un tyran , ce mot facré; il
ine vient point de l'Angleterre , la natitre l’a gravé
dans tous les coeurs ; il eft le cri du plus mâle des
fentimens. On ne comprend point comment on a pu
fe permettre, à ce fuje t, une forti’e contre des livres
anedois, qu’on feroit très^bien d’étudier avant d’en
haiàrder dans fa propre langue.
Par une fuite des grandes vues de l’anonyme, il
ne s’en fie pas à l’intérêt pour éclairer les hommes
fur l’efpece de .culture & de commerce qu’ils doivent
choifir ; il veut qu’on décide à Paris , fi ce font des
oliviers qui conviennent à la Provence & des manufactures
de foie à la vilie de Lyon;
En voilà affez , & peut-être trop , pour indiquer
la maniéré du contradicteur de M. de M... Il eft tems
d’abandonner une critique qui ne refpire , ni la chaleur
de la bienfaifance * ni le courage de îa juftice ,
pour s’attacher à effacer ce que l'Encyclopédie offre
de pernicieuxfous les deux articles ferme, ( finance )
& financier.
Ôbjèrvations fur lés articles ferme, finance, & financier
de ce Dictionnaire. » Ferme du roi, finance. Il ne
» s’agit dans cet article que des droits dit roi que
» l’on eft dans l’ufage d’affermer ; & fur ce fujet on
» a fouvent demandé laquelle des deux méthodes eft
» préférable, d’affermer les revenus publics ou de les
» mettre en régie ?
Premier principe de M. de Montefquieu. » La régie
» eft l’adminiftration d’un bon pere de famille, qui
>> leve lui-même avec économie & avec ordre , les
>> revenus.
Objèrvations d eM .P * * * . Tout fe réduit à fa voir,
fi dans la régie il en coûte moins au peuple que dans
la ferme ; & fi le peuple payant autant d’une façon
que de l’autre, le prince reçoit autant des régifeurs
que des fermiers. Car s’il arrive dans l’un ou dans l’autre
cas ( quoique par un inconvénient différent) que
le peuple foit lurchargé, pourfuivi, tourmente, fans
que le fouverain reçoive plus dans line hypothèlè
que dans l’autre ; fi le régijjeur fait perdre par la négligence
, ce que l’on prétend que le fermier gagne par
exaClion, la ferme & la régie né feront-elles pas également
propres à produire l’avantage de l’état, dès
(d) Un niiriiftre auquel un étranger demanderoit pourquoi
il n'y a pas au-moins dans la capitale line faite où l’on pùille
repréfenter convenablement les chef-d’oeuvres du théâtre
francois > répondroit-il en difant qu'autreibis une populace
d’importuns fe mcloit à un fénat romain, qü’Athalie avoit Un
panier, & que ces groffieretés ridicules lotit abolies ?
qtte 1 oh voudra & que l’on finira bien les%goüverner?
Peut-être néanmoins pourroit-on penfer avec quelque
fondement, que dans le cas d’une bonne adminiftration
, il feroit plus facile encore d’arrêter la vivacité
du fermier, que de hâter la lenteur de ceux qui
régijjent, e’eft-à-dire qui prennent foin des intérêts
d’autrui-.
Quant à l’ordre & à l’économie , ne peut-oh pas
avec raifon imaginer qu’ils font bien moins obfervés
dans les régies que dans les fermes ; piiifqu’ils font
confies; favoir, l’ordre à des gens qui n’ont aucun
intérêt de le garder dans la perception , l’économie
à ceux qui n’ont aucune raifon perfonnelle d’épargner
les frais du recouvrement ? C ’eft une vérité
dont l’expérience a fourni plus d’une fois la démonfi
tration.
Réponfes. Si de laTolution de cette première question
dépendoit celle de la thèfe générale , le principe
de M. de Montefquieu auroit bientôt force de loi.
Le régime le plus fage ne peut imprimer la perfe&ron
à aucun étabîiffement, il ne peut que diminuer à un
certain point, le nombre &: la grandeur des abus.
Laiffons donc à la régie & à la ferme ceux dont elles
font fufceptibles, &c nous ferons convaincus que le
peuple paye plus dans la fécondé que dans la pre^
mieré. La négligence ne pourjiùt ni ne furcharge ; elle
eft lente, elle oublie ; mais elle ne tourmente pas. Si
elle fait perdre, c’eft au fouverain, qui dans une bon*
rie adminiftration doit compter fur ces pertes/légères
en elles-mêmes, utiles à plufieurs citoyens, par-là
faciles à réparer ; puifqu’elles laiffent des moyens
dont le gouvernement peut fe reffaiffr dans des tems
orageux. Cette méthode ne peut donc avec fon abus*
nuire à l’état. Il n’en eft pas ainfi de l’exaction ; le pe*
tit nombre qui l’exerce eft le feul qui en profite : un
peuple eft écrafé, & le prince ne s’enrichit point. Lë
royaume fera épuifé, fans que le tréfor-royal foit
rempli : les gains extraordinaires attaqueront les ref-
fources dans leur principe, & les enfans n’auront*
dans les plus preffans befoiri de leur pere * que des
voeux fteriles à lui offrir; Ceux qui connoîtront les
hommes & les gouvernemens, avoueront que dans
une monarchie, l’ardeur de l’intérêt particulier eft
bien plus ifiïpoffible à réprimer, qu’il n’eft difficile
d’exciter le zele & de s’affurer de i’eXacHtude de ceux
qui prennent foin des intérêts d 'au truiAccordons cependant
, que l’un n’eft pas plus aifé que l’autre, 8é
il n’en fera pas moins évident que la pareffe de la régie
eft préférable à la cupidité de la ferme.
Tout homme aime l’ordre & l’obferve * tant qué
fon intérêt ne s’y oppofe point. C ’eft parce que lë
régijfeur n’en a aucun à la perception , qu’elle fera
juite: mais le fermier, dont les richeffes augmentent
en râifon de l’étendue des droits, interprétera, éludera
& forcera fans ceffe là loi; feul il multipliera les
frais , parce qu’ils déterminent le recouvrement qui
eft le rhobile de fa fortune, & qui eft, comme nous
l’avons fuppofé, indifférent au régijjèur.
Second principe de M. de Montefquieu. « Par la ré-
» gie, le prince eft le maître de preffer ou de retar-»
» der la levée des tributs, ou fuivant fes beloins, ou
» fuivant ceux de fon peuple.
Obfervaiions. Il l’eft également quand fes revenus
font affermés, lorfque par l’amélioration de Certaines
parties de la recette 6c par la diminution de la dépente
* il fe met en état de fe relâcher du prix du
bail convenu, ou d’accorder des indemnités : les faj
orifices qu’il fait alors en faveur de ragriculture, du
commerce 6c de l’induftrie fe retrouvent dans un produit
plus conjidérablc des droits dé une autre ejptce. Mais
ces louables opérations ne font, ni particulières à là
régie, ni étrangères à la ferme} elles dépendent dans
l’im ôtdans l’autre ça s d’une adminiftration, qui mette!