
que ce train de dames chrétiennes refpire exceffive-
ment la molleffe. Mais quand faint Chryfoftôme déclame
avec feu contre leurs fouliers noirs, luifans ,
terminés en pointe, je ne fifi quels fouliers plus mo-
deftes-il vouloit qu’elles portaffent. ( D . J.)
TABLEAU, f. m. ( Peinture. ) repréfentation d’un
fujet que le peintre renferme dans une elpace orné
pour l’ordinaire d’u;n cadre ou bordure. Les grands
tableaux font defti.nés pour les églifes , fallons , galeries
& autres grands lieux ; les tableaux moyens,
qu’on nomme tableaux de chevalet , & les petits tableaux
fe mettent par-tout ailleurs.
La nature eft repréfentée à nos yeux dans un beau
tableau. Si notre efprit n’y eft pas trompé , nos fens
du-moins y fönt abufés. La figure des objets, leur
couleur & les reflets de la lumière, les ombres, enfin
tout ce que l’ceilpeut appercevoir fe trouve dans un
tableau, comme nous le voyons dans la nature. Elle
fè préfente dans un tableau fpüs la même forme oit
nous la voyons réellement. Il fembîe même que
l’oeil ébloui par l’ouvrage d’un grand peintre croit
quelquefois appercevoir du mouvement dans fes figures.
L’induftrie des hommes a trouvé quelques moyens
de rendre les tableaux plus capables de faire beaucoup
d’impreflion fur nous ; on les vernit : on les renferme
dans des bordures qui jettent uh nouvel éclat
fur les couleurs , & qui femblent, en féparaftt les tableaux
des objets voilins, réunir mieux entr’elles les
parties dont ils font compofés , à-peu-près comme
il paroît qu’une fenêtre raffemble les dinérens objets
qu’on voit par l'on ouverture.
Enfin quelques peintres des plus modernes fe font
avifés de placer dans les compofitions deftinées à
être vues de loin des parties de figures de ronde-
boffe qui entrent dans l’ordohnance, & qui font coloriées
comme les autres figures peintes, entre lef-
quelles ils les mettent. On prétend que l’oeil qui voit
diftinftement ces parties de ronde-bolfe faillir hors
du tableau en foit plus aifément féduit par les parties
peintes, lefquelles font réellement plates, & que ces
dernieres font ainfi plus facilement l’illufion à nos
yeux. Mais ceux qui ont vu la voûte de l’Annonciade
de Gènes & celle de Jefus à Rome, oü l’on a fait entrer
des figures en relief dans l’ordonnance, ne trouvent
point que l’effet en foit bien merveilleux.
Les hommes qui n’ont pas l’intelligence de la mé-
chanique de la peinture, ne font pas en état de décider
de l’auteur d’un tableau, c’eft aux gens de l’art
qu’il faut s’en rapporter ; cependant l’expérience
nous enfeigne qu’il faut mettre bien des bornes à
cette connoiffance de difcerner la main des grands
maîtres dans les tableaux qu’on nous donne fous leurs
noms. En effet les experts ne font bien d’accord en-
tr’eux que fur ces tableaux célébrés qui, pour parler
ainfi , ont déjà fait leur fortune , & dont tout le
monde fait l’hiftoire. Quant aux tableaux dont l’état
n’eft pas déjà certain en vertu d’une tradition confiante
& non interrompue , il n’y a que les leurs &
ceux de leurs amis qui doivent porter le nom fous
lequel ils paroiffent dans le monde. Les tableaux des
autres, & fur-tout les tableaux des concitoyens, font
des originaux douteux. On reproche à quelques-uns
de ces tableaux de n’être que des copies, & à d’autres
d’être des paftiches. L’intérêt achevé de mettre
de l’incertitude dans la décifion de l’art, qui ne laiffe
pas de s’égarer , même quand il opéré de bonne
foi.
On fait que plufieurs peintres fe font trompés fur
leurs propres ouvrages , & qu’ils ont pris quelquefois
une copie pour l’original qu’eux-mêmes ils
avoient peint. Vafari raconte , comme témoin oculaire
, que Jules Romain, après avoir fait la draperie
dans un tableau que peignoit Raphaël, reconnut
pour fort original la Copie qu’André del Sarté àvoit
faite de ce tableau. ....
Lorfqu’il s’agit dit mérite des tableaux, le public
n’eft pas un juge auffi compétent que lorfqu’il s’agit
du mérite des poëmes. La perfeûion d’une partie
des beautés d’un tableau, par exemple, la perfeétiort
du deffein n’eft bien fenfible qu’aux peintres ou aux
connoiffeurs qui ont étudié la peinture autant que
les artiftes mêmes. Mais il feroit trop long de difcu-
ter quelles font les beautés d’un tableau dont le public
eft un juge non-recufable , & quelles font les
beautés d’un tableau qui ne fauroient être appréciées
à leur jufte valeur que par ceux qui favent les réglés
de la Peinture.
Ils exigent, par exemple, qu’on obferve trois unités
dans un tableau, par rapport au tems , à la vue &
à l’efpace , c’eft-à-dire qu’on ne doit repréfenter
d’un fujet i Q; que ce qui peut s’être paffe dansiin
feul moment ; z°. ce qui peut facilement être em1
braffé par une feule vue ; 30. ce qui ëft renfermé
dans l’efpace que le tableau paroît comprendre.
Ils prefcrivent auffi des réglés pour les tableaux
allégoriques, mais nous penfons que les allégories ,
toujours pénibles & fouvent froides dans les ouvrages
, ont le même caraftere dans les tableaux. Les
rapports ne fe préfentent pas tous de fuite , il faut
les chercher, il en coûte pour les faifir, & l’on eft
rarement dédommagé de fa peine. La peinture eft
faite pour plaire à l’efprit par les y e u x , & les tableaux
allégoriques ne plaifent aux yeux que par l’ef-
prit qui en devine l’énigme. ( D . J. )
Maniéré d'ôter les tableaux de deJJ'us leur vieille toile;
de les remettre fur de neuve , & de raccommoder les endroits
enlevés ou gâtés. Il faut commencer par ôter le
tableau de fon cadre, & l’attacher enfuite fur une table
extrêmement unie, le côté de la peinture en-
deffus, en prenant bien garde qu’il foit tendu , & ne
fàffe aucuns plis. Après cette préparation, vous donnerez
fur tout votre tableau une couche de colle-
forte , fur laquelle vous appliquerez à-mefure des
feuilles de grand papier blanc, le plus fort que vous
pourrez trouver ; & vous aurez foin avec une molette
à broyer les couleurs , de bien preffer, & étendre
votre papier, afin qu’il ne faffe aucun p li, & qu’il
s’attache bien également par-tout à la peinture. Laif-
fez fecher le tout, après quoi vous déclouerez le tableau
, & le retournerez, la peinture en-deffous &
la toile en-deffus, fans l’attacher ; pour lors vous aurez
une éponge , que vous mouillerez dans de l’eau
tied e, & avec laquelle vous imbiberez petit-à-petit
toute la toile, effayant de tems-en-tems fur les bords,
fi la toile ne commence pas à s’enlever & à quitter la
peinture. Alors vous la détacherez avec foin tout le
long d’un des côtés du tableau, & replierez ce qui
fera détaché, comme pour le rouler , parce qu’en-
fuite en pouffant doucement avec les deux mains,
toute la toile fe détachera en roulant. Cela fait avec
votre éponge & de l’eau , vous laverez bien le derrière
de la peinture, jufqu’à ce que toute l’ancienne
colle , ou à-peu-près , en foit enlevée : vous obfer-
verezdans cette opération que votre éponge ne foit
jamais trop remplie d’eau , parce qu'il pourroit en
couler par-deffous la peinture , qui détacheroit la
colle qui tient le papier que vous avez mis d’abord.
Tout cela fait avec foin, vous donnerez une couche
de votre colle , ou de l’aprêt ordinaire dont on
fe fert pour apprêter les toiles fur lefquelles on peint,
fur f ’envers de votre peinture ainfi bien nettoyée ,
& fur le champ vous y étendrez une toile neuve,
ue vous aurez eu foin de laiffer plus grande qu’il ne
lu t, afin de pouvoir la clouer par les bords , pour
l’étendre de façon qu’elle ne faffe aucun p li, après
quoi avec votre molette vous prefferez legerement
en frottant pour faire prendre la toile également partou
t , & vous laifferez fecher ; enfuite vous donnerez
par-deffus la toile une fécondé couche de colle par
partie & petit-à-petit, ayant foin, à-mefurè que
vous coucherez une partie, de la frotter & étendre
avec votre molette, pour faire entrer la colle dans la
toile, & même dans la peinture, & pour écrafer les
fils de la toile ; le tableau étant bien fe c , vous le détacherez
de deffus la table, & le reclôuefez fur fon
cadre ; après quoi avec une éponge & de l’eau tiede
vous imbiberez bien tous vos papiers pour les ôter ;
après qu’ils feront ôtés vous laverez bien pour enlever
toute la colle & nettoyer toute la peinture ;
enfuite vous donnerez fur le tableau une couche
d’huile de noix toute pure, & le laifferez fecher pour
mettre enfuite le blanc d’oeuf.
Remarques. Lorfque les tableaux que l’on veut
changer de toile fe trouvent écaillés , crevaffés ou
avoir des empoules, il faut avoir foin fur les endroits
défectueux de coller deux feuilles de papier l’une fur
■ l’autre pour foutenir ces endroits, & les empêcher
de fe fendre davantage, ou de fe déchirer dans l’opération
, & après avoir remis la toile neuve on ra-
jtiftera ces défauts de la maniéré fuivante. Ceux que
l’on changé de toile fe trouvent raccommodés par
l’opération même; mais fi la toile eft bonne, & que
fon ne veuille pas la changer, on fait ce qui fuit.
Il faut avec un pinceau mettre de la colle-forte
tiede fur les ampoules, enfuite percer de petits trous
avec une épingle dans lefdites ampoules, & tâcher
que la colle les pénétré de façon à paffer deffous. Il
faut après cela effuyer légèrement ladite co lle, Sc
avec un autre pinceau paffer fur les ampoules feulement
un peu d’huile de lin ; après quoi on aura un
fer chaud, fur lequel on paffera une éponge ou un
linge mouillé , jufqu’à ce qu’il ne frémiffe plus
( crainte qu’il ne fût.trop chaud), & alors oh pouffera
ledit ter fur les ampoules , ce qui les ratachera
à la toile , & les ôtera tout-à-fait.
Il faut cependant remarquer qu’âprès avoir ôté
ces ampoules, il eft nécefl'aire de mettre par-derrière
une fécondé toile pour maintenir l’ancienne,
Sz empêcher que les ampoules ne viennent à fe'former
de nouveau ; eh voici la manière.
Il faut mettre d’abord fur l’ancienne toile une couche
de colle-forte tout le long des bords le long dû <
cadre , & rien dans le milieu , après-quoi on appliquera
la fécondé toile qu’on fera prendre, en paflant
la molette légèrement deffus ; on clouéra eniuite le
tableau fur la table, & on couchera de la colle par
parties, que l’on preffera & étendra avec la molette,
comme pour changer les tableaux de toile.
Pour raccommoder les crevaffes & les endroits écaillés
tant aux tableaux changés de toile qu'aux autres. Il faut
prendre de la terre glaife en poudre de la terre
d’ombre , délayer enfuite ces deux matierèS-avec de
l’huile de noix, de façon-qu’elles, forment comme
une pâte ; on y ajoute fi Ton veut un peu d’huile
graffe pour faire fecher plus vîte ; on prend*ehlüite
de cette pâte avec le couteau à mêler les couleùrs,
&c on l’infinue dans les crevaffes & dans les endroits
écaillés , effuyant bien ce qui peut s’attacher fur les
bords & hors des trous cette pâte étant bien l'eche,
on donne fur tout le tableau une couche d’huile de
noix bien p.ure, & lorfqu’elle eft feche , on fait iûr
la palette lès teintes des couleurs juftes aux endroits
oii fe trouvent les crevaffes, &: on les applique avec
le coutèau ou avec le pinceau.
Pour faire revivre les couleurs des tableaux, ôter tout
le noir, & les rendre comme neufs. Il faut mettre par-
derriere là toile une couche de la compofition fuivante.
Prenez deux livres de graiffe de rognon de boeuf,
d.eux livres d’huile de n ô ix , une livre de cérufe
broyée à l’huile de noix, une demi-livre de terre
jaûné , auffi à l’huile de noix , une once : faites foiîs
dre votre graiffe dans un pot , & lorfqu’elle fera
tout-à fait fondue -, mêlez-y l’huile de noix , enfiiite
la cérufe & la terre jaune, vous remuerez enfuité
le tout avec un bâton pouf faire mêler toutes les
drogues ; vous employerez Cetté Compofition tiede*
Pour les tableaux fur cuivre. Prenez dit maftic fait
avec de la terre glaife & la terre d’ombre délayée à
1 huile de noix , rempliffeiz-en les endroits écaillés ,
après qtroi vous prendrez du fublimé côrrofif ,'qué
vous ferez difloùdre dans une quantité fuffifartte d’eau,
vous'l’appliquerez deffus, & le laifferez fechëf ; au-
bout de quelques heures vous laverez bien avec de
1 eau pure ; & s il n’eft pas èncqre bien dégraiffé ,
Vous recommencerez ; on peut auffi fefervir de cette
eau de fublimé fur les tableaux fur bois & fur toile.
Pour oter le vieux vernis des tableaux, il fuffit de
les frotter avec le bout des doigts, & iès effuyer en-
fuite avec un linge mouillé. ;;v' ;T
Tableau en perspective, c’eft unefurfacé pla-
ne, que l’on fuppofe tranfparente & perpendiculaire
à lnorifom Voyez PeRspéctiveI -
On imagine toujours ce tableau placé à Une certaine
diftance entre l ’oeil & l’objet : on y reprêfente
l’objet par le moyen des rayons vifiiels qui viennent
de chacun des points de l’objet à l’oeil en paffantà-^
travers le tableau. Voye{ Perspective. Chamber s.
^ Tableau votif, fA n iiq . rom.y tabula votïva;
c’etoit la coutume chez les Romains pour céUx qui fé
fauvoient d’un naufrage , de repréfenter dans un tableau
tous leurs malheurs. Les uns-fè fèrvôiënt de ce
tableau pour toucher de compâffioh ceux qu’ils ren-
controient dans leur chemin, & pour réparer par
leurs charités les pertes que la mer leur avoit caufees*
Juvénal nous l’apprend. '
Fractura nate naufragns affem
Dutn rqgat, & picla jè tempeflate tuetùn
« Peftdant S)® «duj qitï, a.fait naufrage t a deman-t
» de la chante, & qu’il tâehe de fe procurer qiielques
» leçQurs.en faliant TOirle trifte tableau de fonintbr-
.• tiin;e.i(.Poi!li eef effet,, .ils jpçndoient ot'uUnm à '
leur cou, be ils en exphquoient.le litjet par.dés chan-
fons accommodées à leurmiferé, à-peu-prèï comme
nos pelerms; font aujourd'hui. Perfe dit plaifammenS
à ce fujet ; , ■ ■ , .
Çantetfi naufragus, affem
ProiuUrim ? Cant^smmfmâa ccirLttaU 'piâum .
E x hjimeroportes-.. . sàfc 1.
• Donnei-oisrjê I’àiîmôné à un homme mu charité •
» apres que les vents Ont mis.fön vàiffeau en pie_c.es ?
» Né chantes-tu pas' toi-même dans le même tems que
»> ce tableau qui eft à ton coj,'te repréfeate .pàrmules
» débris de tön naufrage?' *
Les aurreS alloient oonfa'cfer ce même Vfô'.,«Jdans
le temple dp dieu auquel iis s’étoiént à u fê fe ;dàns lé
p eiil, & au feCoufs duquel ils c röyoient devoir leur
lalut.
Cetté coutume paffa plus, avant, lés avocatsVoÛ*
lurent s en fervir dans le barreau , pour, toucher lés
juges par la vue de la mifefé cîe leurs parties & do
la-dlti-ete de leurs ennemis-: * Je — M
» dit Quintilien , L l’oh feifoit a,teer
» fois , & c e que j’ai vu planquer moi-même lôffque
» l’on mettent au-deffus dé Jupiter, un tabkau ppür
» toucher les juges par l’èhotmite'de l’aflion qu’on y
>» àvoit dépeinte ». ' 3
Cè n'èft pas encore tout, ceux qui étoient oiiéns
dé quelque maladié ailoiént confacrerun tableau dans
le temple du dieu qui les avoit fecourus , & c’eft ce
que nous fait entendre ce paffage de Tibûlle, Eieà. /
livre I, « 4