lumière grotesque qui éclaire tous ces groupes
confus ; depuis ces Géorgiens qui mangent leur
tcliourêk (1), jusqu’à la dernière génisse et au
dernier mouton se repaissent de leur foin dans
un coin. Les têtes curieuses des ’vaches et des
chevaux abandonnent quelquefois leur râtelier
pour l’avancer par-dessus la balustrade et voir
ce que nous faisons.
Le 2 décembre, qui était un dimanche, nous
descendîmes doucement les collines d’argile
feuilletée qui commencent au-dessous du village
de Tchegauli et qui s’étendent le long du Proné
ou rivière de Pza. Nous jouissions en nous retournant
d’une vue superbe sur les cimes neigeuses
qui formaient une barrière éplatante vers
le nord ; à travers la neige perçaient les roches
déchirées du schiste noir qui les compose et qui
formait des bandes noires. Devant nous, nous
planions sur la vallée du Proné, et nous pouvions
distinguer une foule de villages sur les
pentes nues. La plupart étaient munis de châ-
teaux-forts ou de tours qui servaient jadis de
lieu de refuge contre les Lesghis, et ce n’est pas
un des moindres ornements du paysage qui,
sans cela, ne serait pas très-varié, car les villages
de terre ne sont pas faits pour l’égayer.
(1) Tchourêk, pain plat, cuit dans les creux ronds qui
tiennent lieu de four et dont je parlerai plus bas.
Nous vîmes Atossi et son chateau, Bredza,Knolc,
et nous arrivâmes à Pza, misérable bourgade
avec une église et une grande tour ronde etc—
nelée, qui servait de clocher et de capitole.
De Pza à Aradoti, jadis grand village avec un
château, et à Zagolatcheni, autre forteresse, on
traverse une vaste plaine très-fertile qui s’étend
jusqu’au Kour. Derrière le Kour se continue ra
chaîne de grès et de schiste qui vient d’Atskour
et d’Akhaltsikhé 5 même forme de montagnes.
Nous passâmes au-dessus de Rouissi entouré
de nombreux vignobles, et orné d’une belle
église.
Plus loin, au bord du Kour, s’étend Ourbnissi,
avec une très-ancienne église, autrefois siège
d’un évêché; c’est dans cette église que s’est
réfugiée la Sainte-Vierge d’Ouloumba, que les
Ossètes venaient inquiéter si souvent. Ourbnissi
est sur l’emplacement d’une ville antique (1);
car on déterre souvent aux alentours des monnaies
des siècles les plus reculés. Ceci s’accoi-de
parfaitement avec la chronique géorgienne de
Vakhlang V, qui cite Ourbnissi au nombre des
villes que conquit Alexandre dans son expédition
contre la Géorgie. Chardin, qui la vit en 1672,
(1) Ourbnissi fut fondé par Ouplos, en même temps
qu’Ouplostsikhé ; voyez partie historique de ce Voyage,
volume II.