malgré leur zèle, ne furent-ils pas obligés de tolérer,
de consacrer même d’anciennes fêtes,
d’anciens lieux sacrés, afin de ne pas effaroucher
les peuples qu’on voulait convertir et de les attirer
imperceptiblement au christianisme’ par
quelque condescendance ? Martvili a été quelque
temple antique, et les fragments qu’on reconnaît
çà et là murés, ont pu appartenir à cette
époque.
On prétend que l’Abacha, dans la langue du
pays, s’appelle encore Vancienne Tskhénitskali,
et que le nom de Colchos appartient à la contrée
de Novoghilébi. Ces assertions d’un officier qui
avait longtemps séjourné à Novoghilébi, se justifieront
aisément par la suite de mon récit. Il n’y
a pas longtemps d’ailleurs qu’on recueillait des
paillettes d’or au bord de la Tskhénitskali.
Je quittai l’évêque très-reconnaissant de son
hospitalité (1); j ’étais étranger à ses intrigues.
(1) Je mets ici en note le menu du dîner, magnifique
pour le pays, qu’il me fit servir, et qui intéressera peut-
être quelque dame fort curieuse de connaître la cuisine
d’un évêque de Mingrélie : mais en vérité, je crains par tous
ces détails de passer pour un gourmand, qui n’a parcouru
le pays que pour visiter les cuisines et les koupchines :
j ’en demande pardon à messieurs les savants.
i° Mouton en sauce.
a0 Poulet en sauce au kindzi ou coriandre. On prend
pour cette sauce du persil, du porreau, de l’ail et des
Depuis lors, je l’ai revu à Routais, toujours
grand, bienfait, comme un Tsérételli ; mais il
jouait un autre rôle qu’à Martvili. Le ciel s’obscurcissait
et le général lui faisait sentir combien
il était indigné du rôle qu’un évêque de paix
jouait pour mettre le discord entre Dadian et le
gouvernement, rôle qui ne pouvait le mener qu’à
jeunes feuilles de coriandre ou kindzi, que l’on pile ensemble
dans un mortier avec des noix fraîches, jusqu’à
en faire une espèce de crème qu’on sert en forme de sauce
à tous mets. C’est le plat de cérémonie, le mets favori : on
me l’a servi cinquante fois ; pi’essé par les instances de mes
hôtes, j ’en ai goûté et mangé cinquante fois ; jamais je n’ai
pu m’y habituer : ce mets bouleverse.
3° Poulet roti, à la sauce de grenade, mets des plus délicats
que je connaisse. J’ai déjà dit que les poulets de
Mingrélie étaient rénommés dans tout le sud du Caucase;
nourris de millet, de mûres , de figues, de maïs , ils sont
fort tendres et les habitants réussissent fort bien à les
rôtir à la pointe d’un bâton, les aspergeant d’abord à
l’aide d'un bouquet de plumes avec de l’eau salée : puis
quand ils commencent à roussir, ils les enduisent à plusieurs
reprises de beurre fondu. Il n’est personne qui ne
sache exécuter ce petit manège avec la plus grande adresse,
tournant légèrement le bâton entre les doigts. La sauce
à la grenade, qui n’est qu’un jus exprimé, assaisonne fort
bien ce rôti et tient lieu de salade.
4° Petites truites et ortolans enveloppés de pâte et cuits
ainsi comme du pain.
5° Truite rôtie ; rôti d’aeneau. ' O
6° Fruits, pêches, poires, etc.
7° Dessert.
III. 4