Trajet de Gori à Tiflis.
Samthavissi et la Lékboura.— Ksani et son bassin.— Khartizfehari,
station du poste. — Mtzkhètha.
De Gori à Mtzkhètha, loin de cotoyer le
Kour, comme on devrait s’y attendre, la route
de poste, au contraire, tourne vers le nord
autour du groupe de collines qui s’étend de
Gori à Ouplostsikhé, et je suivis un embranchement
de la vaste plaine de Gori qui se prolonge
à l’est jusqu’à la première station ; à peine re-
marque-t-on plus loin la ligne de faîte qui sépare
le bassin du Liakhwi de la Lékhoura, au bord de
laquelle j ’admirai la belle et grande église de
Samthavissi, ou des trois têtes, bâtie en grès ou
molasse, dans le style de celle de Ghélati. Elle
est entourée d’un mur qui renfermait la résidence
de l’évêque de Samthavissi ou du Karthli.
J’entrai aussi sans m’en apercevoir dans le
bassin du Ksani, fond d’un ancien lac vide : le
pourtour du lac est encore visible.
Le trajet jusqu’à Moukran, qui est au bord
oriental du bassin, se fait sans monter, et de
même jusqu’à Gartizkari ou Khartizkari.
De tout ce que je viens de dire découle un fait
de géographie physique assez probable. Nous
trouvons trois bassins contigus, restes d’anciens
lacs desséchés, la plaine de Gori, la plaine du
Ksani et de la Lékhoura, la plaine de Moëssi le
long du Kour, de Gori jusqu’à quelques verst de
Mtzkhètha. A Mtzkhètha même, le Kour est
étroitement engorgé par de hauts rochers, de
hautes pentes de montagnes ; son lit n’a l’air que
d’une fente profonde. Ne se pourrait-il pas que
cette fente fût postérieure à l’existence des lacs;
l’eau des fleuves, accumulée derrière cette
digue, ne trouvait-elle point l’écoulement de
son trop plein par un canal fort naturel, celui de
Gartizkari ? Qu’on aille voir à ce sujet les superbes
cartes de l’état-major à Tiflis.
Un vent glacial soufflait du Caucase ; la nuit
s’avancait; je fus obligé de m’arrêter à Gartizkari,
où l’on bâtissait la nouvelle maison de poste et
où je ne trouvai d’abri que sous le hangar des
Cosaques, ouvert à tous les frimats ; je me fis du
thé, et je m’endormis paisiblement couché contre
une natte de paille qui me séparait de l’air
extérieur. Le thé qui était resté dans ma bouilloire,
que j ’avais placée avec mes sacoches sous
ma tête pour me tenir lieu d’oreiller , était gelé
le lendemain matin.
Heureusement que je n’avais qu’une station, la
plus forte, il est vrai, jusqu’à Tiflis. Le thermomètre
était à quelques degrés au-dessous de
zéro ; mais le vent du Caucase qui soufflait le
long de l’Aragvi et du Kour, et qui s’engouffrait