appelait la Medzamor, auparavant Achad, et que
Saint-Martin supposait être la Karhni-dchour ou
rivière de Karhni ; et par ce petit Tovin actuel,
il ne passait qu’un canal. Certes on se moquait
de moi : M. Chopin m’apprit qu’en effet on
m’avait montré ce petit Tovin pour le grand,
qui est beaucoup plus loin sur une montagne en
remontant la vallée.
J’en fus pour ma bonne volonté.— Je me consolai
en allant visiter une autre grande ruine où
je retrouvai les traces d’Annibal encore mieux
conservées que sur nos Alpes.
Mon seigneur prit gracieusement congé de
moi dans un village qui est à quelques centaines
de pas du vaste emplacement d’Artaxata , et je
me trouvai à mon aise, seul avec mon Mehmen-
dar ou Djiperkhan, bien résolu de faire à présent
à ma volonté.
Je courus aux ruines et je me rassasiai de
cette vastitude ; car jamais je n’avais rien vu de
pareil en étendue et en dévastation (1).
Strabon dit (2) qu’Artaxata fut bâti d’après le
plan qu’en donna Annibal à Artaxès, qui en a
fait la capitale de l’Arménie. Cette ville se trouve
(1) Voyez, pour avoir une idée de la position d’Artaxata,
le plan des ruines de cette ville, Ire série de mon
atlas, pl. ao.
dans l’enceinte d’une sinuosité en forme dé
presqu’île qu’entoure l’Araxe, et cela si avantageusement,
que l’entourage du fleuve tient lieu
de muraille, excepté dans l’endroit où est
l’isthme : cette place est formée par un fossé et
par un rempart : la contrée d’alentour s’appelle
Araxinienne.
Cette ancienne capitale de l’Arménie était au
confluent de l’Araxe et de la Medzamor. Ne
trouvant plus l'Araxe autour des murailles ruinées
d’Artaxata, on a dit que ces vastes décombres
ne pouvaien t pas être celles de cette ville,
sans se douter que le cours de l’Araxe pouvait
avoir changé; ce qui est vrai. Car ce fleuve inconstant,
las de baigner des murs abandonnés,
est allé promener ses ondes rapides à une centaine
de verst plus au sud. Nous verrons plus
tard que rien n’est plus facile à ce fleuve que
de changer son lit dans une plaine unie comme
une table, tres-peu élevée au-dessus de ses
eaux, sillonnée de canaux qui la coupent dans
tous les sens, et qui peuvent, dans les inondations,
guider le courant tantôt d’un côté,, tantôt
de l’autre; d’ailleurs tout le sol de cette plaine
est si meuble, si peu consistant, que rien ne doit
nous étonner des erreurs d’un fleuve comme
l’Araxe.
Ardachar consistait en une citadelle ou forte