Vers le soir, des murailles d’enclos renversées,
puis des masures, des canaux d’irrigation
abandonnés, et çà et là dé plus grandes ruines
qui s’élevaient, comme .des arbres isolés après
l’abatis d’une forêt, nous annoncèrent que nous
étions dans la Grande-Karhni, qui fut fondée
2000 ans avant J.-C. par Khégham, qui lui
donna d’abord son nom de Khéghamé; son petit-
fils Karhni g lui donna ensuite le sien, qui s’est
conservé jusqu’à nos jours. Mais qu’est-il resté
de toute la gloire de cette ville célèbre que Tiridate
avait embellie parce que sa soeur Khosro-
vitoukhd en avait fait son séjour favori ?
A peine descendu de cheval, et logé dans
l ’une des huttes peu nombreuses qui sont semées
parmi ces ruines, je courus rechercher
ce magnifique trône de Tiridate dont Moyse de
Khorène faisait déjà une si belle description au
sixième siècle. .
Je trouvai bientôt la forteresse antique de
Karhni; suspendue à l’est au bord de la coulée
de lave sur la Karhni-tchai. Elle forme Un parallélogramme
de 2 à 3Ôo pas de long sur umpeu
moins de large ; le côté dont la Karhni-tchai, qui
coule dans un précipice de 4 à 5oo pieds de profondeur,
baigne le pied, est à pic : les deux côtés
latéraux, quoique défendus par la nature du lieu
et par deux immenses entailles , ont été munis
d’une forte muraille en pierres taillées de lave
grise supérieurement travaillées.
Le côté opposé à celui de la rivière, le moins
défendu par la nature, l’avait été le plus par les
hommes: on y reconnaît les fondements des
tours, et même l’extrémitéN. O. présente les
plus grands fragments de ruines qui soient restés
debout dans la forteresse. La grande porte,
bâtie après l’introduction du christianisme en
Arménie, à en juger pai les croix dont elle est
ornée, en fait partie.
Une grande rue qui partait de là menait- en
droite ligne à un autre édifice placé au bord du
précipice à l’angle N. E. Un amas confus de
pierres de taille, de tronçons de colonnes qui
sont écrasées entre les énormes fragments de
frise et d’architrave, de superbes chapiteaux
semés çà et là ne ressemble guère à un trône,
au trône de Tiridate, nom qu’on lui donne.
Jamais édifice ne subit une telle révolution.
Le massif de rocher sur lequel on avait placé
la forteresse, n’est qu’un amas de débris volcaniques
et de coulées de lave qui ont quelque apparence
de succession. Du bord du rocher on
plane sur la Karhni-tchai qui, dans cet abîme,
est étroitement encaissée par deux murailles de
colonnes de lave basaltisée, verticales, qurfont
d’en haut un effet magnifique; vues d’en bas
qüe sera-ce ? Ces piliers basaltiques ont plus de
îoo pieds de hauteur.
Pour base un massif de lave suspendu sur un