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Jacob ; à chaque heure du jour on voit monter
ou descendre des dévots qui vont visiter le saint
et recueillir sa bénédiction.
Le nouveau clocher est d’un assez bon goût,
quoique bizarre; les logements de l’évêque y
sont accolés.
Martvili renferme une espèce de séminaire
assez fréquenté.
Mais que sont ces beaux édifices en comparaison
de la position même de Martvili, l’une
des plus magnifiques que l’on puisse visiter au
sud du Caucase. La vue est aussi superbe, aussi
variée qu’elle est immense. De tous côtés l’oeil
se perd dans un labyrinthe merveilleux; Au
nord embrassant la vallée de l’Abacha et de l’In-
tchékhia, je remonte jusqu’au sein des alpes
neigeuses de Ghélembor. A l’est, je plane sur
toute l’Iméreth ; je suis de l’oeil la trace brillante
de la Tkhsénitskali jusqu’au Phase, et dans le vaporeux
de l’horizon, je reconnais la chaîne lointaine
des montagnes de Vakhan et de Souram.
Je me tourne au sud, et je puis promener mes
regards sur tous les pics de la longue chaîne
mélaphyrique des montagnes d’Akhaltsikhé, dont
les cimes déjà neigeuses brillent au feu du soleil.
Je plonge à vue d’aigle sur toute la plaine du
Phase dans laquelle se promènent ses nombreux
affluents. Quelle immensité de détails présente
cette plaine boisée couverte de champs par ta-
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ches, semée de vignes et de villages. Je ne crois
pas que la Lombardie offre rien de plus beau.
Je la vois cette plaine se terminer avec l’horizon
très-lointain de la mer, présentant comme un
large portail entre les derniers embranchements
de la chaîne du Souaneth et les monts lointains
du Gouria.
Tel est cç Martvili qui mérite bien d’être visité
parles amateurs des beautés de la nature, de l’architecture
et de l’archéologie. Par sa position
c’est un de ces endroits faits pour attirer les premiers
regards de l’homme qui veut se bâtir une
demeure. Qui pourrait compter lés générations
qui ont vécu sur cet emplacement avant qu’une
église chrétienne y fût fondée, et il y a tout à
présumer que cette église eut pour fondements
quelque monument sacré, quelque temple plus
ancien que la religion chrétienne, reconsacré
sous une nouvelle forme. N’avons-nous pas vu
cela dans tous les pays du monde ? Les premières
églises'de Lithuanie ne furent-elles pas fondées
presque toutes sur les cendres encore chaudes
des feux de Perkoun, à Vilna, à Viélona, etc.
En Russie, en Arménie, n’en fut-il pas de même ?
Le panthéon de Rome n’est-il pas devenu l’église
de tous les saints ? Quel est le christianisme qui
s’est conservé pur et qui ne s’est pas mêlé aux
anciennes religions des pays où on le prêchait,
enté sur elles ? Combien de fois les chrétiens,