2 à 3 pieds de profondeur d’une neige fatale
pour de pauvres cavaliers dont toute l’adresse
est inutile en de pareils chemins. Le sentier
n’était pas encore battu. Enfin nous arrivâmes
à Tchagris (1) où nous demandâmes à dîner en
attendant que nous pussions passer jusqu’à l’île.
Mais personne ne voulut ou n’osa nous y conduire,.
parce que l’on n’était pas encore bien
assuré de la solidité de la glace. Depuis plusieurs
semaines il n’y avait plus de communications
avec l’île, et l’on ne pensait pas qu’elles
dussent recommencer avant quatre jours. Je fus
obligé de renoncer à mon projet bien malgré
moi, et je pris le parti de continuer ma route
sur Erivan, ne voulant pas inutilement passer
quatre jours à Tchagris.
La fausse Zenga sort du lac Sévang près de
Tchagris. On prétend que ce canal n’existait pas
jadis et qu’il fut creusé par l’ordre d’un roi
d’Arménie, pour y construire des moulins. Je
crois cette relation vraie jusqu’à un certain
point, mais qu’on n’a fait que débarrasser, que
redresser un canal naturel.
L’eau qui sort du lac a une singulière vertu
pétrifiante; le sable de ce canal se change
( i ) Tchagris ou Tchugrus est à Î 5 verst de Tchou-
bouklou, à i 5 verst de Samakapert, à i 3 verst de Ran—
damai.
rapidement en pierre, et remplit même les conduits
des moulins.
De Tchagris nous traversâmes une espèce
de bas-fond plat de, 12 à 13 verst de long, sur
autant de large, qui s’étend jusqu’à la gorge où
sont Randamal et Karavansérai-Karniéghin. Ce
bassin ou plutôt cette vallée volcanique est
enclose, principalement entre le nord-ouest et le
nord-est, d’un cercle de montagnes élevées,
nues, sur lesquelles se dessinent des espèces de
coulées de pierre noire, semblables à celles de
Tchoubouklou, Leur forme est arrondie, conique
»
Le fond du bassin est semé d’une infinité de
collines ou de moraines, consistant en basalte
poreux ou en lave dont les blocs déchirés hérissent
de pointes ces moraines d’une manière
curieuse» Une infinité de plus petits amas s’élèvent
comme des monceaux de pierres sur la
plaine entre les plus grands, et sortent leur tête
noire que le vent a débarrassée de neige.
Ce basalte poreux ou cette lave brûlée est
homogène sur tout ce bàs-fond ; on dirait une
surface qui a été fracassée en mille et mille morceaux.
Les cavités ou petites cellules dont ce
basalte est criblé, sont en partie remplies d’une
espèce de bolus ou terre bolaire.
La neige était toujours aussi profonde, et les
caravanes et les passants n’avaient battu qu’un