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quelque chose de sec, et ce quelque chose de sec
au milieu du marais, à 700 pas du Phase, n’est
rien autre que les restes d’un fort carré construit
en briques, dans lequel vous reconnaissez visiblement
celui que décrit et que fit restaurer Ar-
rien(i). Aux quatre coins s’élevaient quatre tours
carrées de 4° Pas face. La porte du fort était
tournée vers la mer. Les briques qui ont servi
à toute cette construction avaient 1 o p. 6 1. de
long, 6 p. de large et 1 p. d’épaisseur; elles
étaient bées par un ciment rougeâtre.
(1) Voici le passage du Périple d’Arrien. «A gauche
apparaît à ceux qui entrent dans le Phase, la déesse
Phasienne qu’on peut conjecturer être Rhéa. Le castel
(ypouptov) que gardent 4«o soldats d’élite, me paraît
être très-fort par sa position et très-opportun à la sécurité
des navigateurs. Le mur ceint d’un large et double
fossé jadis était de terre et les tours étaient de bois. Maintenant
on a construit le mur et les tours en briques cuites :
le mur lui-même est bien fondé et à l’épreuve, il est muni
et garni de machines de guerre et en un mot de tout ce qui
peut rendre l’abord impossible aux barbares, et qui peut
protéger ses défenseurs des dangers qui accompagnent un
siège. Et puisqu’il me semble que le port, ainsi que les
autres lieux qu’habitent ceux qui sont libres du service
et qui se livrent aux affaires et au négoce, doivent aussi
être défendus par eux-mêmes, il m’a paru qu’il faudrait
construire depuis le double fossé qui entoure le mur du
castel jusqu’au fleuve, un autre mur qui embrasserait le
port même ainsi que les autres édifices qui sont hors du
fort. » P. 6, ed. Guilielmi Stuckii , 1577, Geneva.
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L’intérieur du fort qui avait 140 pas de large,
tout juste la place nécessaire pour y loger les
4oo Romains qui en formaient la garnison, n’est
maintenant, été et hiver, qu’une mare impraticable
et la porte d’entrée qu’un canal bourbeux ; les
tumulus résultés de l’écroulement des tours sont
recouverts d’une glaise épaise, limon du Phase.
Voilà donc un endroit qui a été habité devenu
marais impénétrable. Dira-t-on que le sol s’est
enfoncé ? Chantera-t-on avec les fables du pays,
que les habitants d’une grande ville au bord du
lac Paléastome étaient devenus si impies que
Dieu les enfonça eux, leur ville et leurs prêtres
dans le lac, et qu’il y laissa les restes d’une tour
comme témoignage de cette terrible punition ?
Mais la raison de cet apparent enfoncement est
facile à trouver.
Nous voyons dans Strabon, liv. XI, qu’il dit
expressément que la ville de Phase, grand Emporium
des Colches, était à l’embouchure du
fleuve, entourée d'un côté par la mer, de l’autre
par un lac (le Paléastome) et d’un troisième côté
par le Phase lui-même. On ne peut pas déterminer
plus exactement la position de Phasis, et
cet Emporium devait être près de la ruine que
je viens de décrire ; car Arrien, qui écrit un siècle
après Strabon, dit expressément, comme on peut
le voir dans la note, quel’Emporium était entre
le castel et le fleuve.