qui s’y entasse pour pouvoir entrer par les
portes; nous y arrivâmes justement pendant
cette opération ; on préparait les quartiers d’hiver;
espérons que la civilisation et le monarque
qui a déjà tant sauvé de monuments de leur
ruine complète, arracheront bientôt celui-ci à
ses profanes habitants.
La vallée de la Tana jouit d’un climat infiniment
meilleur que Gori. La vigne gèle très-souvent
sur la rive gauche du Kour; dès qu’il a fait
une journée de mai pluvieuse, et que le temps
s éclaircit, que le vent vient du Caucase, on est
sur d’une gelée qui détruira toutes les espén
rances d’une vendange. En hiver, on enterre la
vigne à Gori : on ne le fait jamais dans la vallée
de la Tana, et il est rare qu’il y ait des gelées de
mai. Le vin de la Tana, connu sous le nom de
aténis-gvino ou aténis-tehakir, croît dans un sol
schisteux ; il est fort agréable et dégage beaucoup
de gaz carbonique. Le prince Eristaf en
fait du champagne en y ajoutant un peu de
sucre. On y récolte aussi quelque peu d’amandes
douces et amères, des noix, etc.
J’allai passer la nuit dans la petite ehambrette
d’un Français lorrain nommé André, qui avait
construit la belle scierie du prince Eristaf. Leur
projet était de débarrasser autant que possible le
lit de la Tana et de s’en servir, pendant la crue
des eaux, pour l’exploitation des grandes forêts
de pins qui en couvrent les bords et qui remontent
jusque sur le sommet du Danakvissi. Puis
débitées en planches, on les referait flotter une
à une jusqu’au confluent de la Tana et du Kour,
où l’on en ferait des radeaux qu’on irait vendre
à Tiflis.
Le lendemain, 7 décembre, je quittai mon
hôte après avoir donné un juste éloge à son activité
et à son industrie, et suivant la rive gauche
de la Tana, je grimpai sur la colline qui porte la
forteresse pittoresque de Sazivitsikhé, que Kla-
proth appelle Wéritsikhé; ce n’était qu’un refuge
bâti en pierres bées avec de la terre glaise, contre
lesLesghis pour les habitants du village de Tanis-
piri qui était au bord de la Tana, et qui est aujourd’hui
entièrement abandonné. Il ne reste de
traces visibles que nombre de murailles écroulées
et quatre églises ; la principale était bâtie en briques,
et sous sa voûte écroulée croissent de
superbes rosiers sauvages : elle était entourée
d’une muraille ; les autres n’étaient que des
chapelles mortuaires.
Le fond des vallées latérales, où l’on sème
beaucoup de froment, consiste en cette glaise
jaunâtre, résidu de la décomposition de l’argile
feuilletée ; c’est exactement ce que l’on voit
autour de Kertche. Les traces d'anciens vignobles
sont marquées par quelques murs d’étaie-
ment : quant à la vigne, elle a disparu.