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tous à déchiffrer les inscriptions que j ’avais recueillies
pendant la journée, un violent orage se
déclara vers les 9 heures du soir autour de la
cime de l’Arafat : la pluie tombait à verse ; bientôt
elle se changea en neige , et ne cessa de
tomber pendant toute la nuit; le matin du a* “,"s,
par -f- i° | , tout était blanc, et la tempête continuait
encore. Il ne discontinua de neiger avec
abondance pendant toute la matinée. Stupéfaits
de cette incartade de temps, nous ne savions
quand il nous permettrait de partir. Enfin nous
profitâmes d’un instant de relâche, et nous nous
sauvâmes de cet antre d’Eole aussi vite qu’Uly sse
de l’antre de Polyphème.
Vous verrez, me disait le général , que nous
trouverons un superbe temps dans la plaine. En
effet, nous ne fûmes pas descendus jusqu’aux
jardins d’Arthouri, que les brouillards parurent
s’éclaircir , la tempête s’apaiser, et quand nous
eûmes atteint le pied de l’Ararat, nous nous
crûmes transportés dans un autre hémisphère,
tant l’air était calme, et tant le ciel qui reposait
sur là plaine d’Arménie était lucide. Nous avions
laissé au-dessus de nous les frimas et les tempêtes,
et nous pûmes contempler avec étonnement
la lutte violente de cette sombre masse de
nuages qui recouvraient l’Ararat, fort heureux
de n’en être plus les victimes.
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11 neigeait à Arkhouri, et à Bachekent le thermomètre
montrait + 901 .
La pente douce qui mène d’Arkhouri au grand
village de Bachekent, ne diffère pas de celle par
laquelle nous avions monté au village : dans les
sables volcaniques noirs et rouges, gros blocs
de lave , et cailloux de formation primitive ;
même végétation. Nous repassâmes le Karasou
sur un mauvais pont réparé pour nous, et de
l’autre côté nous entrâmes dans Bachekent {tête
des villages), qui n’est séparé de l’Araxe que par
une plaine de 5 à 6 verst, basse , humide , à
peine élevée de 2 à 3 pieds au-dessus du haut
niveau du fleuve, qu’il nous fallait traverser.
Depuis que nous l’avions passé à gué à Koulpé,
la fonte des neiges du pachalik de Khrs l’avait
tellement grossi, qu’il débordait déjà sur la
plaine. Son eourant était' très-rapide. On avait
préparé pour nous un frêle radeau de 7 à 8 poutres
sur lequel on passa d’abord nos effets ; puis
ce fut notre tour de tenter cette périlleuse traversée,
blottis immobiles sur les coussins de nos
selles. Lancés dans le courant du fleuve, nous
fûmes entraînés bien loin au-dessous de notre
point de départ sur l’autre rive , tandis que
l’orage, qui n’avait grondé jusqu’alors qu’autour
de la pyramide de l’Ararat, commençait à lancer
ses. foudres sur la plaine avec un profond retentissement,
renvoyé par les flancs et par les cre