C’est un de ses voisins qui l’a trahie, et qui est
venu le raconter à madame Chopin, la mère du
vice-gouverneur. Cette bonne dame, en apprenant
sa détresse, s’est empressée de Importer du
thé, un pain de sucre, de l’argent, et depuis lors
Hadji-Baghioum n’a plus manqué de rien. La
paix repose sur les cendres de cette vénérable et
si charitable madame Chopin.
Mais revenons à notre salle du palais du Sar-
dar. Vous n’avez rien vu dans le palais des khans
de Crimée qui puisse approcher du luxe de cette
salle. Représentez-vous un appartement long de
4o pieds, large de 21 pieds, haut d’à peu près
20 pieds (1). Hors les soubassements, parois,
corniche, plafond, tout est couvert de glaces travaillées
et découpées en mille et mille dessins.
Dans de grands cadres de glaces, vous voyez dix
tableaux représentant le chah de Perse, son fils
Abas-Mirza, l’ancien sardar d’Erivan Houssein,
les héros de la mythologie persane, tels que
Roustom, son fils Sohrab, son petit-fils Bour-
zou, etc.
Dans deux grands tableaux qui servent de dessus
de porte, vous voyez l’expédition de Nadir-
Chah dans les Indes, et une chasse de Chah-Abas.
Outre ces tableaux, quantité de vases de fleurs,
(1) Voyez un dessin de l’intérieur de cette salle,
atlas, IIIe série, pl. 25 et 26.
de bouquets de fleurs et d’autres ornements qu’il
est impossible d’énumérer, et qui sont prodigués
partout.
Le long coté de cette salle, qui regarde la
cour et les grands appartements où on logeait
Abas-Mirza, est ouvert et supporté par deux colonnes
toutes de glaces, fut et chapiteaux qui
refléchissent l’onde de trois jets d’eau retombant
dans un large bassin en pierre.
Dans le côté opposé, on a pratiqué une grande
niche ou alcôve, voûtée en demi-cercle, presque
tout entière de glaces. On y a derechef encadré
quatre autres tableaux très-curieux, et
qui donnent une idée du goût des Persans. L ’un
représente une dame géorgienne qui fait boire
du vin à un musulman et le convertit au christianisme,
en présence des moines d’Etchmiad-
zin. Un santon persan les regarde, on lit sur son
bonnet, qu’il ne le donnerait pas pour cent couronnes.
Ce tableau est une satiré, pour ridiculiser
les conversions des chrétiens, et pour montrer
qu’une jolie femme en fait plus que tous les
moines d’Etchmiadzin ensemble.
Dans le second tableau, onfnmire une beauté
persane dans son costume de présentation au
chah ; toute sa parure consiste en de larges pantalons
et en une chemise de gaze transparente.
Un gentil cavalier la guette caché derrière un
vase de fleurs.