niveau à peu près avec le bassin du Phase, et on
peut se la représenter comme un grand golfe qui
se serait vidé en même temps que la plaine. Les
champs de millet y sont superbes.
La dernière colline du chaînon qui sépare
Tskhénitskali de l’Abacha, s’élève à gauche
comme un cône isolé, élevé de 4 à 5oo pieds au-
dessus de la plaine. Sur sa cime parait le monastère
de Martvili, visible de partout et de bien
loin comme un phare. Au pied de la colline
s’étendent les restes du camp d’un bataillon du
régiment de Mingrélie, ci-devant stationné ici :
l’Abacha que nous passâmes à gué le séparait du
bazar de Novogalési ou Novoghilébi.
Arrivés devant la porte du monastère, nous
descendîmes de cheval et nous attendîmes fort
humblement que le prince Constantin Ghéboidsé
nous eût annoncés à l’évêque, et eut obtenu de lui
notre introduction dans le monastère. L’eveque
David Tchekoïndéli (1) était ce même prince
David Tsérételli, frère de la princesse Dadian,
dont j ’ai parlé plus haut. Aussitôt il fit ordonner
de m’ouvrir une chambre où je me mis en état
d’être présenté. „
(1) J'ai expliqué plus haut que chacun des six évêques
de l’ancienne Abkhasie dont la Mingrélie faisait partie,
avait un titre particulier ; l’évêché de Martivili s appelait
Tchekondidi et l’évêque Tchekoïndéli. (Voyez 1er vol.,
et Voyages au nord, t. V I I , p. i'i'J.
Suivi de Nicolas, armé de pied en cap, et précédé
du grand maître des cérémonies de l’évêque,
je fus introduit dans sa salle d’audience, où je le
trouvai entouré de son chapitre , et muni aussi
d’un interprête. Il me présenta la main à baiser
ainsi qu’aux personnes qui me suivaient, me fit
asseoir à côté de lui, et, pour première question,
me demanda l’âge que j ’avais. Il me fit nombre
de questions de ce genre. Il me parla beaucoup
des Mégrèles dont il faisait un peuple bien différent
des Géorgiens ou Karthles pour la langue.
Quoi qu’il en soit de sa capacité et de sa conduite
dans les affaires de la Mingrélie, il exerça
envers moi l’hospitalité la plus attentive. On me
donna un charmant logement, celui qu’occupait
ordinairement Dadian. Rien ne me manqua, ni
thé, ni rhum ; le service fut superbe, servi sur de
l’argent et sur de l’ivoire; le vin parfait.
Le lendemain 24, qui était un dimanche,
l’évêque me fit inviter à une grand’messe qu’il
voulait bien desservir en ma faveur. D’abord se
fit dans toute la pompe possible l’habillement de
l’évêque; l’or, l’argent, les pierreries, les perles
brillaient de toutes parts. Assis en face de la
grande porte de l’iconostase, sous le dôme, on
lui apportait chaque pièce de son accoutrement
sur de grands plateaux de vermeil. Chaque pièce
bénie par lu i, lui était mise par une dizaine de
de prêtres et de diacres , qui officiaient avec lui,