EXCURSION
A KOULPË, A TIGRANOCERTE,
A AMARAT, SUR L’ARARAT,
A KHORVIRAB E T A NAKHTCHÉVAN.
i 3 mars 1834*
De retour de mon pèlerinage à Kicghart, le
général Béboutoff me donna quelques jours pour
me reposer et pour mettre en ordre mes matériaux
nouvellement acquis, après quoi il me
proposa de l’accompagner dans une tournée
qu’il allait faire jusqu’à Koulpé, à l’extrême frontière
de l’Arménie vers la Turquie. Combien je
me réjouissais de cette nouvelle excursion qui
devait me faire connaître jusqu’à ses confins
cette magnifique plaine de l’Arménie centrale et
tant de monuments de l’antiquité. Cependant, ce
ne fut pas sans attendrissement que je quittai
cet Erivan, qu’on se représente si triste, et où
je venais de passer plus d’un mois si heureux, si
bien, grâces aux soins du général et de M. Chopin,
qui firent tout ce qui dépendit d’eux pour
m’en rendre le séjour agréable. Dès le premier
jour, le général me dit : « Je sais que vous
êtes ici pour travailler; je ne veux point vous
g ê n e r ; je vous donne toute la journée; dessinez,
écrivez, visitez la contrée : mais quand vous
serez fatigué le soir, venez vous délasser auprès
de moi, et nous ferons de notre mieux pour
passer avec agrément la soiree en attendant le
souper. » Ainsi dit, ainsi fait.
Après avoir pris mon thé le matin, je passais
la matinée à explorer ce que le château, la ville,
les environs avaient de plus curieux, dessinant,
faisant des remarques, etc. Vers une heure, nous
nous réunissions pour dîner; après quoi chacun
se remettait à son travail jusqu’à l’heure du thé,
vers les 7 ou 8 heures du soir, on se disait alors
la journée close, et j ’allais m’établir chez le général,
où je trouvais souvent M. Chopin ou un
oncle du général, M. Thomas Kourganof, zélé
pour la littérature arménienne et qui avait lu
tout ce que le pays pouvait lui offrir pour l’étude
de la géographie et de l’histoire de sa patrie;
c’était un homme doublement précieux pour
moi. Aussi nos soirées avaient quelquefois l’air
d’une petite académie arménienne : on y discutait
tout ce qui pouvait m’intéresser, et tout ce
qui m’avait embarrassé sur ma route. Combien