gouverneur de l’Arménie* de prier madame la
tzarine de se préparer au voyage de Saint-Pétersbourg,
L effroi de cette jeune et jolie femme fut
exù eme , habituée a cette vie retiree de harem ,
à cette intimité de famille, toujours sous les
yeux de sa mère, très-modestement vêtue et
même peu soignée dans sa toilette, à l’idée de
se rendre a la cour du grand empereur , et
d’y jouer un rôle même. Que de pleurs furent
versées de part et d’autre! Sa mère ne voulait
absolument pas consentir à ce départ : plusieurs
fois le général fut obligé d’aller chez elle pour
l’engager à se décider de bonne grâce. Il fallut
lui dire que si elle ne le voulait pas de gré, force
pourtant serait d’y consentir, parce qu’on emmènerait
sa fille malgré elle. Enfin après bien
des retards, bien des gémissements, le vieux
Mélikh Saat, qui était le plus raisonnable, décida
la mère et surtout la fille qui ne voulait pas entendre
parler de ce projet, et au milieu des
larmes, on prépara le trousseau de la tzarine.
La belle tzarine fut bien embarrassée à Tiflis,
où naturellement on lui rendit tous les honneurs
, ce qui n’était pas fort agréable pour
madame la baronne qui ne pouvait échanger
aucune parole avec elle; car Son Altesse ne sait
absolument que-le géorgien, l’arménien et peut-
être le persan. Mais malgré toutes ces petites
répugnances, elle se fut bientôt%aite à sa nouvelle
position, et trouva qu’il y avait pourtant
quelque agrément à jouer le rôle de tzarine*
surtout quand on est jolie. Elle qui, avant son
départ d’Erivan, n’avait jamais vu d’homme face-
à-face, excepté son père et son mari, s’habitua
bien vite à paraître le visage découvert. Elle est
partie pour St-Pétersbourg ou l’on dit qu’elle se
plaît ; le gouvernement lui a assigné un revenu
conforme à sa dignité : son fils sera élevé aux
frais de l’état.
Mais revenons au bal : vous y verrez des princes
et des princesses Dadian,1 Bagration , Orpélian,
danser la contredanse française en costumes eu-*
ropéens avec des princes Galitzin, des Potocki.
La contredanse a Cessé et les danseurs fatigués se
dispersent et se reposent. Mais un air national
est entonné, qui l’a entendu une fois ne l’oublie
pas ! Au chant pittoresque des ghis, les visages
s’épanouissent ; un prince tcherkesse nouvellement
sorti de sa vallée, et transporté de ses
huttes sauvages dans le palais des Sardars, l’entend
; c est l’air de ses montagnes : la joie brille
dans ses yeux* Costume comme dans ses courses
guerrières * il a son sabre et son kindjal au côté
et le long poil de son énorme bonnet circassien
lui retombe sur les yeux; il s’élance dans l’arène
et seul, entraîné par ces accents nationaux, il
oublie le monde entier et il danse sur ce par»
III. 17