petit sentier ou un seul cheval pouvait passer, et
le remplissait tout entier avec . ses énormes
ballots de marchandises. Rencontrions-nous de
ces longues files de chevaux chargés, ce qui arrivait
à chaque instant, il fallait entrer dans la
neige jusqu’à mî-corps, et attendre qu’une tren-
taine.ou quarantaine de ces bêtes de somme eussent
passé. Une noce aussi passe, le tambour et le
fifre en tête. Je ne cède point le pas. Mais vient
la noce tout entière, et la fiancée bien enveloppée
de son voile ou tehadre, et des petites filles
pimpantes et parées montées deux à deux sur
leurs rossinantes, et les pères, les frères et les
vieilles femmes qui veulent encore jouir au
moins par la vue de leur jeune temps, on se
pousse, on se dit des injures pour rester sur le
sentier ; c’est toute une révolution, et je pense
que tout n’est pas rose dans un voyage en tel
pays et telle saison.
Plus loin je mets pied à terre pour rétablir le
mouvement des pieds par un froid de i 3°. Je
jette la bride sur le cou de mon cheval et je lui
dis : Va sagement comme le coursier d’un philosophe.
Mais la bonne bête ne m’écoute pas.
A peine se sent-elle libre, qu’elle prend le galop,
je ne puis plus la rattraper. Je cours après, elle
court plus vite encore; vais-je lentement, elle
va lentement; veux-je lui couper le passage à
travers la neige, j ’y entre jusqu’à mi-corps, et
mon animal ne m’attend pas. J’ai beau pester,
gronder, je n’y gagne rien, que de voir mes
courgines ( grandes saccoches de voyage) tomber.
Et quand je les ai relevées, qu’en faire ?
Mes compagnons sont en avant et bien loin de
moi ! Mè voilà réduit à courir après mon cheval
avec ce joli fardeau sur les épaules, lui surtout
qui ne se sen\ pas d’aise d’être débarrassé
de son maître et de son bagage. Faire ainsi
quelques verst n’est pas plaisant. Heureusement
qu’un autre cavalier- me rattrape et qu’il a la
bonté de se charger de mes sacs. Riez maintenant
à votre aise tant qu’il vous plaira, cher lecteur;
je suis dans une bonne chambre chaude;
mais à moi permis de ne pas vous souhaiter
pareille contrariété par i 3° de froid et un vent
terrible.
Le canal du lac Sévang se jette dans la Zenga
un peu au-dessus de Randamal, grand village
semé au milieu des blocs erratiques et que je
traversai pour aller , trouver mon gîte à Kara-
vansérai-Karniéghin, qui touche presque Ran-^
damai. •
Ces deux villages, comme je l’ai dit, peuvent
être à 25o et 3oo pieds au-dessous du lac Sévang;
c a r on descend plusieurs fois assez rapidement
depuis Tchagris.
Vis-à-vis de Randamal, sur la rive droite de
la Zenga, se trouve, à 4 verst de ce village dans