sans doute par les mêmes tremblements de terre
qui ont si cruellement ravagé Ani. Autour de ces
églises se voient encore quelques traces de rues.
Mais les tombeaux qui recouvrent, sous toutes
sortes de formes, un immense espace le long du
pied de l’escarpement de lave, sont toujours ce
qu’il y a de mieux conservé. La plupart ne sont
que de grandes dalles Ou cippes. Je copiai sur
l’un de ces tombeaux l’inscription suivante :
«En 1292, moi, K’hatçhatour, j ’ai élevé cette
croix pour me protéger devant le ciel, moi et
mes frères. »
Ces tombeaux sont pour la plupart en lave
noire.
Je retournai très-satisfait de mon excursion à
Koulpé, ayant traversé deux fois l’Araxe et une
fois l’Akhouréan à gué ; mais il n’y a pas de comparaison
combien le premier fleuve est moins
dangereux que le second, dans cette saison, où
les eaux sont encore basses et claires, n’étant ni
grossies ni altérées par la fonte des neiges des
vallées d’en haut. Le fond de l’Araxe est uni,
graveleux, et on le traverserait cinq fois plutôt
que de passer l’Akhouréan une fois. 11 n’y a à
craindre que cette fascination qu’éprouvent ceux
qui ne sont pas habitués à biaiser en descendant
avec le courant. La rapidité de cette vaste nappe
d’eau brillante qui fuit, opère sur la vue une
sensation, une fascination, un éblouissement
impossible à décrire; il semble qu’on est entraîné
comme par un charme, et on a peine à se
tenir sur son cheval et à ne pas se jeter dans
l’eau.
Nous n’avions pas manqué chaque soir, le gé- ,
néral, toute sa suite et moi, d’assister aux vêpres
dans l’église arménienne. A l’époque du carême,
chacun se fait un devoir de redoubler de
zèle en observant religieusement le plus stricte
des carêmes; car les Arméniens, pendant cette
époque, ne touchent à aucune chose qui ait eu
vie, chair ou poisson.
Rien déplus simple et de plus pauvre que l’intérieur
d’une de ces églises de village. Le mur
extérieur est en pierres liées avec de la terre glaise
ou de la mauvaise chaux; deux rangs de grosses
poutres non équarries en guise de colonnes,
soutiennent le toit en terre ; au fond, une espèce
de niche fermée par un mauvais rideau, forme
le sanctuaire où se place le prêtre en surplis déchiré,
pour lire les prières. Tous les petits garçons
l’entourent à genoux et chantent ou récitent
les prières tour à tour. Les plus âgés des
habitants se placent hors du choeur, et chacun
s’agenouille sur sa natte de paille ou sur sa peau
de mouton qui marque sa place d’habitude, baisant
la terre et murmurant tout bas les paroles
du prêtre ou y répondant tout haut. Les fem