dans ce système, dans cette routine d’administration
, ils n’y voient rien que de fort naturel.
Cela tient si fort à la nature des choses, c’est
tellement enraciné dans les habitudes des grands
et des petits, qu’il serait fort étonnant qu’aucun
d’eux sentît la nécessité de sortir de cette routine
et fît un pas pour cela.
Cependant le besoin d’améliorer une pareille
administration se fait déjà sentir. L’Iméreth
qui, sous ses rois, jouissait exactement du même
régime administratif, étant devenue province
russe, il s’est fait en général d’heureux changements
dans la condition des servables, surtout
chez ceux qui relevaient directement du roi et qui
sont devenus serfs de la couronne. Le gouvernement
y a introduit pour eux le même système
qu’il suit dans les autres parties de l’empire et
les a mis à un fixe qui est des plus modiques.
L’arbitraire n’existe donc plus pour cette classe
de servables qui est considérable en Iméreth.
Le gouvernement aurait désiré introduire un
changement pareil pour les serfs des seigneurs;
on s’est demandé ce qui l’a arrêté dans ce projet
qui aurait pu s’exécuter tout d’un coup, lors de
la prise en possession du pays. Mais a-t-on pensé
à la tâche immense que c’était s’imposer que de
réorganiser tout d’un coup un pays dont on
ignorait pleinement l’administration; le gouvernement
a voulu connaître les abus avant de les
réformer, et il fait son possible pour remédier
petit à petit à des maux qui remontent si loin et
qui sont enracinés si profondément. Ce sont les
aides et les impositions arbitraires qu’il voudrait
abolir entièrement : mais comment le faire sans
irriter des seigneurs encore nourris d’anciens
préjugés et fiers de leurs droits; il n’est pas plus
facile de leur ôter leurs privilèges qu’il ne l’était,
il y a 60 ans, d’ôter à la noblesse* à l’aristocratie
française ceux qu’elles s’étaient arrogés sur un
peuple entier. Marchant avec sagesse, avqc
calme, l’administration s’est constituée le défenseur
des serfs, et elle veille à ce que les abus deviennent
toujours moins fréquents.
Quand le serf sera rassuré une fois pour toutes
contre toute mesure arbitraire , on verra cesser
la paresse et l’extrême incurie qui caractérisent
surtout le Mingrélien. Il sait que s’il travaillait
un plus grand champ, s’il faisait plus de vin, son
seigneur l’apprendrait et l’imposerait davantage.
Il se tient donc scrupuleusemeut à sa mesure.
«Mon aïeul, dit-il, a cultivé tant de gômi,
rempli tant de koupchines de vin ; le seigneur
le sait, et je m’y tiens. »
Le mieux des Imérétiens est connu des sujets de
Dadian, qui sentent la différence de leur condition
: ils commencent à devenir récalcitrants •
ils se révoltent, et le prince Dadian a déjà accédé
à introduire quelques premières améliorations.