Mais avant d’aller plus loin, je veux rappeler
ici la bonne réception qui nous fut faite. On ne
se loue jamais beaucoup de l’hospitalité des
moines; mais nous avions de trop bonnes recommandations
pour rien craindre. L’évêque Lucas
nous donna d’abord pour logement celui d’un
évêque absent, ou nous fûmes parfaitement bien,
et où nous fîmes toilette en attendant qu’on .vînt
nous chercher pour nous présenter au patriarche
Jean.j
On nous mena en cérémonie par un grand
escalier dans la salle d’audience, où nous le
trouvâmes revêtu de sa tiare pontificale et assis
sur un fauteuil au milieu d’une douzaine d’archevêques
et d’évêques. Nous lui baisâmes la
main et il nous donna sa bénédiction ; puis il
nous fit prendre place et fit lecture de la lettre
que je lui avais apportée du général Béboutôff.
Tout en me faisant quelques questions, il nous
fit servir du thé par ses domestiques en bas
rouges^ Ce qui l’éÿnina le plûs, c’est- que je
n’eusse pas ¡été voir le pape à Rome; moi qui
venais si loin pour voir le patriarche d’Arménie.
Je lui fis répondre que je m’estimais beaucoup
plus heureux d’avoir pu recevoir sa bénédiction
que d’avoir, été à Rome. Cela parut flatter beaucoup
son amour-propre. Le patriarche était un
h^mme de bonne mine, d’environ 60 ans, ayant
l’air encore très-actif.
Il me congédia bientôt après avec le même
cérémonial. La salle qu’il occupait était assez
simple; elle sert peinant l’hiver : en été il a un
autre salon d’audience vraiment' superbe, dans
le goût persan , et flont lès murs sont “couverts
de peintures, d’arabesques, etc. Sa Sainteté m’y
mena elle-même pour me le faire admirer.
De retour chez moi, on vint me demander,
comme c’était jour de maigre, si je jeûnais aussi;
je fis répondre qu’étant protestant, je n’y tenais
pas, et que je n’avais pas de jour maigre pour le
moment, et on me servit à l’heure ordinaire, qui
est après le coucher du soleil, un excellent souper,
tandis que l’archimandrite, qui nous faisait
les honneurs, et mon interprète jeûnaient à côté
de moi. C’èst pousser, je l’avoue, bien loin
la condescendance, et je m’aperçus bien que je
n’étais plus dans' les siècles du fanatisme; dont
Chardin-se plaignait tant. I
Maintenant disons en peu de mots l ’histoire
d’Etchmiadzin. : > « ! r
yaghârchabad; dans la province de Godaikh
sur fe K’hasagh.,. portait anèiennement le nom
dé Ardimet ^ ,ù«^ùa,M , c’èst-,à-dire ville de
Diahe; elle fut | bâtie par le roi> Erovant Ier ,
600 ans avant J. -C . Ensuite elle fut appelée
Vartkisi-Avan, à cause d’un prince arménien
Vartkès qui avait épousé la soeur du roi Erovant
et qui en devint possesseur.