nêtres, vous pensez que c’est quelque nouveau
palai§, ce n’est qu’un caravansérai. Effectivement,
cette ligne de beaux magasins qui occupent
le plain-pied, n’est que la minime partie de
ceux qu’il renferme. En dedans , des galeries qui
donnent sur la cour intérieure, ne sont bo rdées
que de magasins qu’y ouvrent les marchands
étrangers : du plain-pied au troisième
étage, l’acheteur qui circule vient admirer tout
le luxe de l’Orient.
La façade de ce bâtiment donne sur une petite
place irrégulière, la plus populeuse , la plus
bruyante de Tiflis. Comme il n’y a que ce point
de communication entre les deux moitiés de la
ville, c’est une presse, un brouhaha perpétuel ;
on n’entend que les cris de kabadah (gare), unis
à ceux des boutiquiers qui invitent les passants à
acheter leurs denrées d’une voix si perçante,
qu’on aurait envie de se boucher les oreilles.
C’est essentiellement ici le marché des comestibles
; c’est ici que les colons allemands vendent
leurs pommes de terre et leurs légumes,
leur beurre et leurs veaux. Les Géorgiens étalent
leurs poulets, leurs oies, leur orge. Des
Ossètes et des Lesghis y exposent des peaux de
renard, de martre, etc. Vers le soir arrivent des
compagnies de soldats, brocanteurs de vieux
habits, de mauvaises bottes, de grosses chemises,
fruits de leur industrie.
Nous n’entrons pas à droite dans cette petite
ruelle étroite et dégoûtante, où sur une longue
file on ne voit que des cuisines noires, des tas
fumants de morceaux de porcs, des têtes de
mouton, exposés au regard des passants affamés.
Dans quelques semaines ce sera bien autre
chose, quand l’ail pénétrant et le poisson séché
auront remplacé les délices du carnaval. C’est là
que le peuple vient faire ses repas, pressé autour
des tables les plus malpropres, et à peine abrité
par des toits de planches.
Arrivés au milieu du marché irrégulier, nous
laisserons la rue bruyante des boucheries qui
mène à gauche aux bains de soufre, que l’on
peut sentir de loin et nous prendrons à droite à
travers le bazar arménien. Nous qui sommes à
pied, nous- pouvons y passer; si nous étions en
voiture (droschki), nous serions obligés de faire
un grand détour pour arriver à la grande rue et
cela par des rues si étroites, que deux voitures
n’y peuvent passer de front. Les Arméniens ont
fermé leur bazar par des tourniquets à travers
lesquels nous nous glissons ; on ne les ôte qu’aux
fêtes de Noël, du nouvel an et de Pâques, grand
jour de félicitations , pour faciliter l’affluence
des voitures qui se croisent dans tous les sens.
Admirez l’intelligence de ces bons Arméniens qui
ont fait faire un toit en planches sur toute la
longueur de la rue de leur bazar ; il est fort