Le logement qui nous fui préparé par le
chef du poste des douaniers, M. le lieutenant
Kourganoff, était dans l’une de ces tours, dont il
avait fait son palais de plaisance; nous n’y étions
point mal ; un fragment de tahle, quelques mauvaises
eseabelles composaient notre ameublement
; le général eut cependant un bois de lit , et
nous autres nous nous couchâmes à terre. Un
peu de jour , venant par une petite fenêtre
étroite, nous suffisait pour écrire, On aurait pu
être moins bien encore. Nous passâmes là quatre
jours, du 14 au 18. Le générai donnait audience
sur un toit voisin de notre tour, et c’est là que
nous passions nos moments de loisir quand le
temps était beau. Je le laissai: se livrer aux
affaires qui l’amenaient à Koulpé, pour explorer
la contrée du matin au soir, ne revenant que.
pour l’heure des repas , chargé de nouvelles
richesses géologiques et archéologiques ; car
cette vallée de Koulpé si reculée est néanmoins
l’un des points les plus intéressants de l’Arménie.
Des localités comme celles-là sont vieilles
comme la civilisation et comme la population
d’un pays :.une montagne de sel fossile, objet
de première nécessité chez l’homme, est bientôt
découverte au bord d’une grande rivière et à
l’extrémité d’une plaine fertile. Aussi nous pardonnons
volontiers aux Arméniens, quand ils
nous racontent que Noë , le premier, a travaillé
dans ces mines, et quand ils nous montrent par
quel point de la montagne il avait commencé.
Quoi qu’il en soit, Koulpé n’a pas toujours
été aussi peu apparent, aussi mesquin qu’il paraît
aujourd’hui. M. St-Martin surtout n’aurait
pas dû le confondre avec un autre Koulpé
ou Goghp qui est dans le pachalik de Kars (1).
L’empereur Héraclius fit don d’une partie de
celui que j’ai visité et de ses salines au patriarche
Esdras qui gouverna l’église d’Arménie depuis
l’an 628, jusqu*à l’an 64o,
On retrouve des traces de son ancienne
splendeur dans les ruines des trois églises dont
l’une était considérable , et dans nombre de
tombeaux anciens richement décorés de sculptures
et d’inscriptions. La pierre qui a servi à
toutes ces constructions est un grès rouge qu’on
exploitait à peu de distance de Koulpé, au bord
de l’Araxe. Les églises ont été renversées de
fond en comble par les tremblements de terre,
et l’on ne peut rien voir de plus extraordinaire
pour se peindre la violence de ces commotions
plutoniennes, que les débris dç la plus grande
dont les énormes massifs ont été couchés sens
dessus dessous comme des feuilles que tourbillonne
le vent. On y reconnaît le style primitif
de l’architecture sacrée arménienne, qui a pré-
( 1) Voyez Saint-Martin , Mém. I, p. 78.