Il ne reste presque pas de traces des maisons
qui étaient en bois; les approches des forts en
étaient couvertes. On me montra à côté de la
forteresse d’en bas la place qu’occupait un immense
bazar; la tradition donne à cette ancienne
ville plus de dix mille feux, et chacun parle des
immenses trésors qui sont enfouis dans les bois,
et sous les ruines : on supposait que je venais
les lever; ô sancta simplicitas!
Je ne crois pas que personne doute que Na-
kolakévi ne soit l’Archéopolis de Procope, tant
sa description cadre avec les localités : d’ailleurs
ce nom d’Archéopolis n’est pour ainsi dire qu’une
traduction de Nakolakévi, qui signifie en Géorgie,
lieu dont on a fa it une ville, qui a été une ville,
vieille ville.
Maintenant l’Archéopolis., capitale des Lazes,
est-il Ea, la principale ville des anciens Colches?
Non seulement Archéopolis est bien dans le voisinage
du Phase, entre l ’Hippus et le Cyanus; de
quelque façon qu’on l’interprète, non seulement
la distance correspond bien exactement avec celle
indiquée par Etienne de Byzance, mais il n’y\a
pas d’autres ruines dans tout le district : ce sont
les seules sur lesquelles les Mégrèles accumulent
leurs fables et leurs contes merveilleux.
Voici une étymologie qui ne peut être déplacée
ici. Je crois que le Kolkhis des anciens n’était
tout simplement que le Kolakhi des Géorgiens,
qui signifie ville, capitale, ce qui répondrait
au Polis des Athéniens, au Urbs desRomains,
au Eistampolim ou Stamboul des Grecs du Bas-
Empire et des Turcs.
Le bon Béjan Dadian nous ayant hébergés aussi
bien qu’il le pouvait, nous dit le lendemain : « Si
j ’étais riche, je me ferais un plaisir et un honneur
de vous garder chez moi le plus longtemps
possible ; mais , hélas ! je ne suis pas si riche,
tant s’en faut, que mon titre de neveu du prince
Dadian devrait bien le faire croire. Je n’ai reçu
qu’un fort maigre apanage, et si vous voulez que
vos chevaux aient grassement du millet, je vous
conseille d’accepter l’invitation de mon cousin
Alexandre Dadian, qui est cinq fois plus riche
que moi, et qui désire fort avoir l’avantage de
vous recevoir chez lu i, et de vous traiter à son
tour mieux que je ne pourrais le faire. »
Nous suivîmes en effet ses conseils et nous
acceptâmes l’invitation du prince Alexandre qui
vint lui-même nous chercher, et qui nous mena
dans une maison de bois fort propre qu’il habitait
avec sa mère, au-delà de la Tékhouri, en
face des ruines. Il nous y avait préparé une fête
à laquelle il ne manqua ni abondance ni gaieté.
Je ne pus m’y livrer comme ces braves gens le
désiraient; je mis plus de deux heures à parcourir,
à scruter les ruines du fort d’en haut, et
quand je revins, je les trouvai encore attablés