être à des voies de fait, parce que les gens n’accouraient
pas assez vite à ses ordres pour le
recevoir; et comme tout se passait dans ¡’obscurité,
le jeune homme, qui n’était pas endurant
et qui ignorait les titres et qualités du nouveau
venu, lui aura distribué quelques coups ou se
sera jeté sur lui comme sur un intrus.
Dieu nous aide, dis-je, quand nous fûmes
montes sur nos chevaux; car chevaucher par
22 de froid m’inspirait quelque frayeur, non
pasi pour moi, mais pour mes compagnons de
voyage.
Nous n’eumes pas fait 5oo pas que je crus
voir mes craintes se réaliser. En arrivant sur la
Zenga, que nous traversâmes et retraversâmes
sur la glace dans l’endroit où elle s’engorge à la
sortie de ce bassin volcanique entre de hauts
rochers, un courant d’air si frais se fit sentir
sur la riviere, qu’Ali se mit à crier : « Je gèle, je
gèle ; si cela dure encore quelques instants
comme cela, je suis perdu. » J’eus une grande
frayeur et j ’accourüs pour le presser de sortir
de là; car heureusement notre chemin quittait
le lit de la rivière et nous grimpions sur les
■pentes d’une colline qui nous abritait.
Ce froid, cette neige, c’était une journée du
nord de la Russie, et pour comble d’extraordinaire,
notre cavalcade se mêle à une trentaine
de traîneaux conduits par des soldats russes et
chargés de bois qu’ils menaient du revers de
l’Echak-Meidan à Erivan pour les besoins de la
garnison. Les jurements russes retentissaient
dans les rochers de l’Arménie. L’illusion était
complète.
Le jour était éblouissant. Nous mîmes huit
heures pour faire les 23 verst qu’on compte de
Karavansérai-Karniéghin a Kanakir. En été, ce
pays est. superbe, fertile, couvert d’une herba
haute de 3 pieds, mais inhabitable à cause du
manque d’eau. Comme dans toutes ces montagnes
volcaniques composées de cendres, de
sabje, de laves et de débris fracassés et fissurés
de mille manières, l’eau le plus souvent se perd
fort vite, très-profondément et ne reparaît qu’au
pied des montagnes. Une seule source fait
exception et sort des pentes de l’Agmangan
pour aller se jeter dans le lac Hokhtcha ou Sé-
vang. On voulut la détourner et la faire passer
par un col sur le revers opposé ; on fit plusieurs
essais ; mais la chose fut abandonnée à cause
d’une simple ravine de 700 pieds de large
et de 4°o pieds de profondeur qui s’ouvre au
pied de l’Agmangan. Le sol ne consiste qu’en
blocs de lave ou de basalte poreux, qu’en sables
volcaniques et mouvants, sans nulle adhérence
ni liaison. Il n’y a pas eu moyen d’y établir
d’aquéduc, ni en bois ni en pierre. Houssein-
Sardar qui était très-zélé pour ces travaux-là, y