porte-faix ossètiens (1), qui plient sous leur fardeau
qu’ils portent sur leur dos, appuyé sur un
sac de paille.
Au bout du bazar couvert et poudreux, nous
trouvons la grande rue aussi bordée de boutiques
; au lieu de magasins européens, il ne se
présente qu’une longue suite de niches ou alcôves
profondes élevées d’un pied et demi au-dessus
du pavé de la rue. Chaque marchand, accroupi
sur un tapis, les jambes croisées, appelle
les passants en se réchauffant les mains sur une
mangal (2). Puis viennent les boutiques des différents
métiers. Nous pouvons choisir parmi
cette file de tailleurs dont chaque groupe travaille
au milieu des chalvars (larges pantalons),
des tchoks (habits de dessus), des akhalouks (habits
de dessous). Voilà les cordonniers, lesfour-
bisseurs, les selliers, les bonnetiers, les barbiers,
les fileurs de soie (3) ; chaque métier a sa place
(1) Mouchât gn géorgien.
(2)'Brasier dans un bassin en cuivre.
(3) Tifllis compte i 36 tailleurs, 5 horlogers, 5 maîtres
orfèvres en or, 54 en argent, 104 bottiers, 43 faiseurs de
souliers, 16 peintres, 12 maîtres fourbisseurs, 21 arquebusiers,
66 taneux’s, 4° chirurgiens-barbiers, 58 boulangers,
74 forgerons, 33 serruriers, 60 menuisiers, 63 charpentiers,
i4 fabricants de hourdiouh (outres), 18 joueurs
de balalaïka, 42 fileurs de soie, etc.
marquée; été et hiver on les voit travailler ainsi
en plein air.
Le soir, chacun ferme sa boutique avec quelques
planches et s’en va chez soi, laissant son magasin
sous la sauve-garde du guet que les marchands
paient pour cela, et qui, appuyé dans un
coin, observe, épie tout ce qui se passe, effrayant
quelquefois les passants par ses cris de : Qui vit ?
poussés au moment où l’on s’y attend le moins.
Le dimanche, la scène du bazar change ; les
gens du commun se réunissent dans quelques
coins du bazar et s’asseyent autour d’un ou de
deux chantres pour les écouter. L ’un chante ordinairement
quelque chanson turque, persane
ou géorgienne pendant que l’autre pince de la
balalaïka, (1). Les motifs sont le plus souvent
très-misérables. Les chansons parlent d’amour,
d’actions glorieuses des temps passés et quelquefois
des temps présents. Un second amusement
des désoeuvrés consiste à écouter les conteurs ;
mais ils sont rares à Tiûis.
Ici, comment passerons-nous ? car d’un côté
voilà des porteurs d’eau avec leur double sac de
cuir suspendu sur le dos d’un cheval humide (2),
(1) Petite guitare à trois cordes en métal ou en crins.
(2) La plus grande partie des ouvriers et surtout des
porteurs d’eau sont Imérétiens à Tiflis ; ce sont les Auvergnats
de Tiflis.