fait de ce rebord méridional des Alpes un véritable
Elysée*- Et cependant les liabitans de ces
contrées magnifiques ne sont point heureux;. On
ue trouve nulle part ailleurs en Suisse une pauvreté
aussi voisine de la misère, tant de paresse,
et si peu d’industrie et de culture*), Leshommes
sont en habitude de quitter leur terre natale et
d’aller en Italie, en France', en Hollande et en
Allemagne exercer divers petits métiers, tandis
que les femmes sur qui tombent tous les travaux
de l’agriculture, les soins du bétail, et l ’éducation
des enfans, ont plus de peine et de fatigues
que les plus misérables des bêtes de somme. Le
On conçoit qu’il n’est pas ici question des {îabitans des
villes de ce Canton, mais uniquement dçs peuples des
valides. Cependant il règne moins de misère dans les
régions les plus élevées, où il ne croît que de l’herbe
et où par conséquent le soin des bestiaux et les détails
de l’économie alpestre font l’unique occupation des
habitans, que dans les contrées plus méridionales quoiqu’il
n’y ait pas de pays en Europe dont le sol soit plus
fertile et plus productif que celui de ces dernières.
,Et c est précisément là que les hommes sont en proie
à la misère, et couverts de haillons. Il n’y a pas de
cochon de la Suisse allemande, comme dit M. de Bon?-
stetten, qui voulut s’accommoder de la demeure dont
plusieurs des habitans de ce pays-Ià se contentent.
Faute dès instrumens nécessaires, on les voit quelquefois
remuer leurs champs avec une simple fourche
a fumier, leurs chariots, munis de roues faites d’une
v seule piece de bois, ont encore toute la grossière
simplicité des siècles les plus barbares. L ’usage des
pompes à feu leur est inconnu, ils ignorent l’art
délaver des digues contre les fureurs des torrens, etc,
coeur se brise lorsqu’on entend .ces pauvres
malheureuses s’écrier en gémissant, non ho niente
nel mondo chemiapovera pena!— Tous les habitans
de ce Canton,- à l’exception du villagede Bosco,
situé dans le Val Magia, sont çle race italienne.
Lorsqu’on a franchi les limites les plus élevées
des Alpes, les formes du corps, le teint, l’expression
de la physionomie et le tempérament
annoncent dès le prpmier conp-d’oeil un peuple
tout différent de celui qui habite le revers septentrional
de ces montagnes, et la langue italienne
en décèle aussitôt l’origine *). Faute de culturç
et d’instruction* en un mot faute de patrie**),
faute d’un gouvernement qui cherchât d’un côté
à venir au secours des Citoyens en leur aidant à
On trouve dahs les vallées les plus élevées qui touchent
à la chaîne centrale divers mots bizarres dont l’origine
est inconnue. Par exemple K ie , maison; tronó,
tonnerre (peut -être de tuofio) ; tosa, jeune fille;
tschiauz , fiabit de dessous, chausses; tschiauzet,
bas ; ts c h ia u z i, spqliers (ces trois derniers paroissent
avoir de l’analogie avec les mots françois chaussure ,
chausser, e tc . ) ; tschiapuha, bonnet (p eu t -ê t re de
chapeau')’, fembross , fraise ; tschipa, habit de dessus ;
burgh, cochon; n j e f , des carottes; aspagr, a s s e z ;
Calende, tout comme en latin, le. commencement de
chaque mois, etc. Il n’y a pas de valléç qui n’offre
des nuances particulières dans la prononciation, et
l’on y entend des sons que les étrangers ne peuvent
guère parvenir à imiter,
*) Les Cantons souverains de la Suisse faisoient gouverner
ces provinces par des Raillifs; ils n’en retiroient aucuns
revenus : mais aussi la prospérité et le malheur
de ces peuples leur tenoient fort peu à coeur.