Defcrip-
tion des
rochers les
plus élevés
du Mont-
Blanc.
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menes. Ils font d’ailleurs parfaitement d’accord avec ce que nous con-
noilfons fur la néceffité de l’air, & même d’un air d’un certain degré
de deniité pour la confervation des animaux à fang chaud.
§. 1989- A peu-près à la moitié de cette montée, on paiTe auprès
de deux petits rochers, faillants au-deil’us de la neige. Le plus élevé
des deux avoit été récemment fracaffé ; car fes fragments étoient épars
de tous côtés fur la neige nouvelle -, à plufieurs pieds de diftancè. Et
comme fûrement perfonne n’étoit allé faire fauter ce rocher avec de
la poudre, ou le brifer avec une maifue de fer , on ne peut guere
douter que ce ne fût là un effet de la foudre. Je ne pus cependant
y découvrir aucune bulle vitreufe. J’ai dit dans la relation abrégée
que cela venoit de ce que fes parties conftituantes étoient très-réfrac-
taires ; mais c’eft une erteur, car j ’ai vu depuis lors des fragments
du rocher du dôme du Goûté qui font exactement de la même nature
que celui dont il eft ici queftion , & qui cependant font couverts de
bulles vitreufes. Cette différence vient plutôt de la violence -plus ou
moins grande du coup qui les a frappés, ou du plus ou moins d’humidité
dont ils étoient alors pénétrés. Parmi ces fragménts épars, on
voyoit'des feuillets plus ou moins épais de granit en maflè, dont
les grandes faces étoient à peu-près parallèles entr’elles.
L e rocher inférieur préfente la forme d’une table horizontale, lifte,
longue , du Nord au Sud , de 6 pieds 6 pouces, & large de 4 pieds,
de l'Eft à l’Oueft Cette table s’enfonce dans la neige, du côté d’en-
haut ou de l’Oueft ; mais du côté d’en-bas ou de l’Eft fon bord s’élève
au-deffus de la neige de 4 pieds, 8 pouces, 6 lignes. C’eft un
bloc folide fans aucune fente vifible. Je pris fes dimenfions avec foin
pour qu’on put dans la fuite reconnoitre fi les neiges augmentent
ou diminuent.
ie cesTo- §’ 1 " a Ces rochcrs ’ fîtue's à près de 3400 toifes au - deffus de la mer,
thers.8 r°’ font intéreffants en ce que ce font les plus élevés de notre globe qui
R O C H E R S E T D É T A I L S , Chu?. 1 1 1 . 'mi
aient été obfervés par de* naturaliftes. MM. "Bouguer & de la C on-
d a m i n e étoient allés furies Cordilliê re s, à des hauteurs égales & même
de quelques toiles plus grande« que celle de ces rochers ; ( 2470 toifes )
ils ne fe connoiflbient pas en pierres ; mais comme ils difent avoir
envoyé en France des caiffes remplies des échantillons des montagnes,
fur lelquelles leurs opérations trigonométriques les avoient conduits,
j’aurois vivement defiré que ces échantillons fuffent examinés par des
connoiffeurs. L e feu D u c de la R ochefoucault , cet homme auffi
diftingué par fes connoiflances que par fes ve rtus, & qui a été l’innocente
vitlime des troubles d’uné patrie pour laquelle il avoit fa it , & au-
roit fait encore les plus grands iàcrifices, avoit bien v o u lu , à ma priere ,
faire les recherches les plus foigneufes de ces échantillons , foit au
jardin du R o i , foit k l’Académie des fcien ce s, dont il étoit membre,
& il n ’avoit pu les trouver ni même trouver aucun renfeignement fur
ce qu’ils étoient devenus.
L a rareté des échantillons de rochers fitués à dépareilles hauteurs,
& les conféquences que l’on pourra tirer de leur nature dans différents
fyftêmes de géologie, m’engagent donc à donner deteux-ci une
defcription détaillée.
Ce font comme ceux du §. 1987, des granits en mafle où la hornblende
& la ftéatite tiennent la place du mica, qui y eft extrêmement
clair femé; il faut la clarté du foleil & la loupe, pour qu’on puiffe en
.appercevoir quelques lames blanches & brillantes ; il eft même douteux
que ces particules brillantes, impoffibles à détacher, foient réellement
du mica.
L e feldfpath eft la partie dominante de ces granits ; il forme environ
les trois quarts de leur maffe. Leurs cryftaux, a peu-pres parallé-
lipipédes varient pour la grofleur ; on en voit qui ont un pouce de
long fur 6 lignes de large. Ils font d’un blanc mat, foiblement tranf-
lucides, peu brillants, de l’efpece de ceux que je nomme fecs ; ils
donnent au chalumeau un verre tranfparent, mais huileux, dont on