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un peu d’eau; car fi l’on mangeoit de la neige, onaugmentoit fon altération,
bien loin de Tappaifer. Quelques-uns des guides ne purent pas
fupporter tous ces genres de fouffrances , & deiceadirent les premiers
pour- regagner un air plusdenfe. Cependant ,iorfqu’ondemeurait dans
une tranquillité parfaite, on ne-fouirait! pas d’une maniéré fenfible.
Et c’eft ce qui a fait penfer à Bouguer que les fymptômes qu’on
éprouve dans cet air rare ne viennent que de i* fatigue ; car il eft
d’accord avec moi fur tous les faits.
« Nous nous fournies trouvés, d it-il ¿ d ’abord confidéràblement
,i incommodés de la fubtilité de l’air ; ceux d’entre nous qui avoient
5j la poitrine plus délicate, Tentaient davantage la différence, & étoient
g fujets à de petites - hémorragies ; ce qui venoit fans doute de. ce que
l’athmofphére ayant un moindre,poids ,n ’aidoit pasaffez par fa com-
„ preflion les vaiffeâux à retenir lefang, qui de fon côté, étoit tou*
î, jours capable- dé la même action. Je n’ai pas remarqüé dans mon
i, particulier que cette incommodité augmentât beaucoup lorfqu’il
„ nous eft arrivé enfuite de monter plus haut; peut-être parce que je
„ m’étois déja fait au pays, &-peut-être auffi parce que le froid ern-
W pêche la dilation de l’àir, d’être aùffi confidérable qtfelle le ferait
fans cela. Flüfieürs d'entre', nous, lorfque nous montions, tombaient en
ÿ défaillance & étoient fujets aux vomiffementS ; mais ces accidents
„ étoient plus l’effet de la lailitude que de la difficulté de refpirer. Ce
„ qui le prouve d’une manière inconteftable, c’eft qu’on n’y étoit jamais
» expofé lorfqu’on alloit à cheval, ou lorfqu’on était une fois parvenu au
„ fommet, où l’air étoit cependant encore plus fubfcil. Je ne nie pas que
„ cette grande fubtilité ne hâtât la laffitude, & ne contribuât à faire aug-
mériter l’épùifemehtTàr' la rèfpirâtiûn y deifiétit extrêmement pénible ;
„ pour peu' qu’on agijfe, on fe troupe- tout hors il haleine par le moindre
p mouvement ; mais ce n’ejl plus la même chofemjjî-tot qu’on rejle dans
l’inàttion.'-f'c ùé tiiS rien î dont ijëm^ie’ ê É L'Îéitibin -plufîeurs fois,
■j, & c’eft Ce'qùè" j !eùffé vù'énebre plus iouVént'» fi~l’expérienceh’avoi t
y ‘ bientôt fait- fentir -à -lr pîùparè'’dsentrë ’hôuë-qu’iLne leur- -étoit pas
» permis
O B S E R V A T IO N S M É T É O R O L O G IQ U E S , Chap. V I . g c ç
^ permis de s expofer à une fi extrême fatigue. » B o u g u e r . Voyage an
Pérou , p . X X X V I, XX X V II.
I l me paraît évident que dans l’explication de ces faits, ce favant
académicien a commis une erreur, en confondant les effets de la rareté
de l’air avec ceux de la laffitude. Celle - ci- ne produit point les effets
de la rareté de l’air. Souvent dans ma jeuneffe ; en revenant de quelque
grande courfe de montagne, je me fuis trouvé fatigué, au point
de ne pouvoir plus me foutenir fur mes jambes; dans cet état ,
qu’Homere a fi énergiquement exprimé, en difant, que les membres
font diffous par la fatigue, Slno yvï« rxt • go cependant je n’é-
prouvois ni naufées ni défaillance, & je defirois des reftaurants, bien loin
de les avoir en averfion. D’ailleurs, quoique ces Académiciens aient
fouvent éprouvé de grandes fatigues dans le cours de leurs longs 8c
pénibles travaux, cependant pour monter au Pitchincha, dont il eft
fur-tout ici queftion, ils partaient de Quito , déjà élevé de 14 ou ifoo
toifes, & ils montoient encore fort haut à cheval. Il ne leur reftoit
donc gueres que j ou 4 cents toifes à faire à pied, ce qui ne pouvoit
gueres produire une fatigue capable de donner lieu aux accidents que
décrit B o u g u e r . Donc le même mouvement mufculaire qui n’auroit
produit qu’une laffitude médiocre fans aucun accident, dans un air
denfe, produit dans un air très - rare une accélération dans la refpiration
& dans la circulation, d’oùréfultent des incommodités infuppor-
tables pour certains tempéramments.
J’ai même obfervé fur ce fujet un fait affeff curieux, ' c’eft qu'il y*
a pour quelques individus des limites parfaitement tranchées, où, la
rareté de l’air devient pour eux abfolument infupportable. J’ai fou-
vent conduit avec moi des payfans, d’ailleurs très-robuftes, qui à une
certaine hauteur fetrouv oient tout d’un coup incommodés., au point
de ne pouvoir abfolument pas monter plus haut; & ni le repos» ni
les cordiaux, ni le defir le plus vif d’atteindre la cime de la.moota.-
gne, ne pouvoient leur faire paffer cette limite, ITs étaient faifis,les
Tome IV. D d