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conftruire une cabanne au pied de quelqu’une des arrêtes de l’aiguille
du Goûté, &ide faire, auffirtôt que la faifon le permettrait, quelques
courfes de ce côté là pour choifir la route qu’il me conviendrait de
fuivre.
1963. P o u r exécuter ce projet, Pierre Balmat, Marie Coutet.&
Tent*ti. aU(.re guide allèrent le 8 de juin i?86 coucher dans mon ancienne
Ves intruc- ° . - j ^
tucufes par cabanne de Pierre Ronde, §, 1 1 0 8 , & en partirent a la pointe du
l ’aiguille .;o u r i]s montèrent par la même arrête que j’avois fuivie l’année pré- 4 u Goûte. ’ r , - r
céden te , & parvinrent, quoiqu’avec beaucoup de peine , au iommet
de l’aiguille du Goûté, après avoir été tous fucceffivement malades
de fatigue & de la rareté de l’air. Delà , en continuant pendant une
heure fur les neiges dans la même direftion , ils vinrent au haut
du dôme du Goûté ; là , ils trouvèrent François Paccard & trois
’autres guides auxquels ils avoient donné ce rendez-vous, & qui
avoient pafle par la montagne de la Côte pour parvenir au même
point, croyant toujours que ce ne ferait que par l’aiguille du Goûté
que l’on pourrait atteindre la cime du Mont-Blanc, & ils s’étoient
divifés en deux bandes pour eilayer comparativement les deux routes,
qui conduifoient à la cime du Goûté. Cette comparaifon fut entièrement
à l’avantage de la route par la montagne de la Côte. François
Paccard & fes compagnons, étoient arrivés une heure & demi plutôt,
avec beaucoup moins de fatigue & de danger que Pierre Balmat qui
avoit palfé par Pierre-Ronde.
A près s’étreréunis, ils traverferent une'grande plaine de neige, &
ils gagnèrent une arrête qui joint la cime du Mont-Blanc au dôme du
Goûté; mais cette arrête fe trouva fi étroite entre deux précipices &
en même tems fi rapide, qu’il leur fut impoifible de la fuivre & d’atteindre
par là le fommet du Mont-Blanc. Ils examinèrent alors de
différents côtés les approches de cette cime, & le réfultat de leurs
recherches fut, qu’au moins par le dôme du Goûté, elle étoït abfo-
lument iaacceffible. Ils retournèrent de là à Chamouni, par la mon-
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tagne de la Côte, bien mécontents de leur expédition, & pourfuivis
par un orage, accompagné de neiges & de grêle qui les incommodoit
beaucoup dans leur retraite.
§ . 1964. Ma is tous ne defcendirent pas -r un de ceux qui avoient
fuivi François Paccard par la montagne de la Côte, étoit jaques Bal- Jaque»
mat, devenu depuis célébré par fon afcenfion à la cime du Mont-
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Blanc. Il ne devoit point être de cette courfe, il fe joignit à Paccard & bonne
à fa troupe prefque malgré eux. En revenant du dôme du Goûté, comme route-
il n’étoic pas trop de bonne intelligence avec les autres, il marchoit ,feul,
& s’éloigna même pour aller chercher des cryftaux dan« un rocher
écarté. Lorfqu’il voulut les rejoindre, ou du moins fuivre leurs traces
fur la neige , il ne les retrouva pas ; fur ces entrefaites l’orage furvint,
il n’ofa pas fe hafarder feul, au milieu de ces déferts par l’orage & à
l’entrée de la nuit, il préféra de fe biotir dans la neige & d’attendre
patiemment la fin de. l’orage & le commencement du jour ; il fouffrit
là beaucoup de la grêle & du froid ; mais vers le matin le tems s’éclaircit,
& comme il avoit tout le jour pour redefçendre, il réfolut
d’en confacrer une partie à parcourir ces vaftes & inconnues folitudes,
en cherchant une route par laquelle ont put parvenir à la cime du
Mont-Blanc. C’eft ainfi .qù’il découvrit celle qu’on a fuivie & qui eft
bien certainement la feule par laquelle on puiiïe l ’atteindre.
D e retour à Chamouni, il tint d’abord fa découverte fecrette. Mais
comme il apprit que le D. Pa c card penfoit à faire quelques tentatives
dans le même but , il lui communiqua fon fecret & lui offrit de lui
fervir de guide. Le fuccès de cette entreprife a été connu du public
par les relations qu’en ont données le D. Paccard & M. Bourrit.
§• 1965. Il y a ceci de remarquable dans la découvette de cette pr^r(.,„
route , c’eft que c’eft celle qui fe préfente le plus naturellement à ceux tions qui
qui regardent le Mont-Blanc depuis Chamouni, & que c’eft auffi celle
qu’ont tenue les premiers qui ont eiïàyé d’y monter ; mais on s’en étoit
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