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 s’étoient  élargies,  les  ponts  s’étoient  rompus;  fouvent  ne  trouvant  
 point  d’iffue,  nous  fûmes  obligés  de  revenir fur  nos  pas  :  plus fouvent  
 encore,  il  fallut  nous  fervir  de  l’échelle  pour  traverfer  dés  crevalfes  
 qu’il eût  été  impolfible  de  franchir fans fon fecours. Tout près d’arriver  
 au  port,  le  pied  manqua  à   un  des  guides,  qui  gliffa  jufqu’au  bord  
 d’une  fente  où  il faillit  à   tomber,  &  où  il  perdit  un  des  piquets  de  
 ma  tente. 
 D a n s   ce  moment  d’effroi,  un  énorme  glaçon  tomba  dans  une  
 grande  crevaffe,  avec  un  fracas  qui  ébranla  tout  le  glacier,  &  fit  
 trembler  toute  la  caravanne-  Mais  enfin,  nous  abordâmes  fur  le  roc  
 à 9 heures & demie  du matin,  quittes de toute  peine  &  de tout danger.  
 Nous  ne  mîmes  que  z  heures  trois-quarts  de-là  au  Prieuré  de  Chamouni, 
   où  j’eus  la  fatisfaélion  de  ramener  tous  mes  guides  parfaitement  
 bien portants. 
 N o t r e   arrivée  fut  tout  à  la  fois  gaie &  touchante : tous  les parents  
 &  amis  de  m,es  guides  venoient  les  embraffer  &  les  féliciter  de  leur  
 retour.  Ma  femme,  fes  fceurs  &  mes  fils,  qui  avoient  paffé  enfemble  
 à  Chamouni  un  tems  long  &  pénible,  dans  l’attente  de  cette  expédition  
 ,  plufieurs  de nos  amis  qui étoient  venus  de Geneve pour  aflîfter  
 à   notre  retour,  exprimoient dans  cet heureux  moment leur fatisfaélion,  
 que  les  craintes,  qui  l’a voient  précédé,  rendoient  plus  vive,  plus  
 touchante,  fuivant  le  degré  d’intérêt  que  nous  avions  infpiré. 
 J e  paffai  encore  le  lendemain  à  Chamouni  pour  quelques  obfer-  
 vations  comparatives,  après  quoi  nous  revînmes  tous  heureufement  
 à  Geneve,  d’où  je  revis  le  Mont-Blanc  avec  un  vrai  plaifir,  &  fans  
 éprouver ce fentiment de trouble & de peine qu’il me caufoit auparavant 
 CHAP¿ 
 C I N Q U I EME   VOYAGE , 
 C  O  L  D  U  G É A N T . 
 C H A P I T R E   P R E M I E R .   
 B U T   E  T   R E L A T I O N  D U   V O Y A G E . 
 §•  2>02T-  L es  phyficiens  & les naturaliffes  quife  propofent de  vjiîtcr  Intro.  
 la  cime  de  quelque  haute  montagne ,  prennent  ordinairement  leursduftion'  
 mefures  de  maniere  à  y  parvenir  vers  le milieu du jour ;  &  quand  ils  
 y  font  arrives, ils  fe  hâtent  de  faire  leurs  obfervations pour en redef-  
 cendre avant la nuit. Ainii  ils  fe  trouvent fur  les grandes hauteurs toujours  
 a peu-près aux  mêmes heures,  pendant  peu de moments; & par  
 çonféquent, ils  ne peuvent  point  fe former  une idée  juñe de l’état de  
 1 air dans  les  autres  parties  du  jour,  ni  à plus  forte  raifon  pendant  
 la  nuit. 
 Il  m’a  paru  intéreffant  de travailler  à  remplir  cette  efpece  lacune  
 dans  l’ordre  de nos connoiffances  athmofphériques,  en faifant fur  une  
 cime  élëvee un  fejour  affez  long  pour  déterminer  la  marche  journalière  
 dés  différents  inftruùients  de  la météorologie,  du  baromètre,  
 du thermomètre,  de  l’hygrometre,  de  réledrometr'é, &c.,  d’épier lés  
 ocçafions  d’obferver'là l’origine des  différents  météores  ,  tels  que les  
 pluies,  les  vents,  les  .orages. 
 C e  defir -etoit augmente par celui  de tenter diverfes expériences que  
 j’àvois  réfolu  défaire fur le Morit-BIanc ; mais que  la  brièveté du tems, 
 &  le mal-aifé,  produit parla- rareté de l’air, m’empêcherent d’exécuter. 
 Tome  IF.  g  e