n’en mangent jamais, c’eft un mets trop difpendieux Les gens riches
du pays vivent avec la même économie ; je voyois notre hôte de
Macugnaga, qui n’étoit rien moins que pauvre, aller tous les loirs
prendre, dans un endroit fermé à clef; une pincée d’aùlx dont il
diftribuoit gravement une goutle à fa femme, & autant à chacun de
fes enfants, & cette gouflfe d'ail étoit l'airaifonnement unique d’un
morceau de pain fec qu’ils brifoient entre deux pierres, & qu’ils
mangeoient pour leur fouper. Ceux d’entr’eux qui négocient au-dehors,
viennent au moins une fois tous les deux ans pafler quelques mois
dans leur village; & quoique hors de chez eux ils prennent l’habitude
d’une meilleure nourriture, ils fe remettent fans peine à celle
de leur pays, & ne le quittent qu’avec un extrême regret ; j’ai été
témoin d’un ou deux de ces départs, qui m’ont attendri jufqu’aux
larmes.
L eur plus grand défaut eft le manque d’hofpitalité ; non-feulement
ils ne fe foucient pas de loger les étrangers, mais s’ils les rencontrent
dans les chemins, ils cherchent à les éviter, & les regardent avec
un air d’averfion & d’effroi. Cependant ceux de Macugnaga où nous
paffàmes dix à douze jours, s’accoutumèrent à nous, ils vinrent à
nous faluer avec un air d’amitié ; on nous dit même qu’ils étoient
flattés de l’intérêt avec lequel nous obfervions leurs montagnes. L’hof-
pitalité mercenaire des pays fréquentés par les étrangers, eft fans
doute plus commode pour les voyageurs; mais fuppofe-t-elle de
meilleures moeurs que la iauvage rudelfe des habitans du Mont-Roiè ?
F I N du fixieme Voyage.
S E P T I E M E VOYAGE .
LE MON T- CER VIN.
C H A P I T R E P R E M I E R .
D E G E N E V E A S C È Z , A U P I E D D U
P E T I T S t . B E R N A R D .
§. 222f, L e but principal de ce voyage étoit de revoir & d’étudier But & plan
avec foin la haute cime du Mont-Cervin & les montagnes voifines, de c® voya-
que, nous n’aviqn?., pour ainii dire,, qu’apperçues, dans le précédentse’
voyage. •
L e chemin le plus court pour y aller de Geneve, étoit de gagner
la vallée d’Aofte, & de monter delà au village de Val-Tornanche,
fitué au pied du Mont-Cervin. Or, la route la plus courte pour allet
à la vallée d’Aofte, aurait été celle que je fuivis en en fevèhant1 en
17:8 , de remonter l‘a vallée: de Mont-Joie, de H e n f u i t ê le Bon-
Homme, puis les Fours, & enfin le Col de la Seigne. Mais comme
je n’avois point vu le petit St. Bernard, & que je defirois de le voir’
nous réfol urnes de defcendre du haut du Bon-Homme au hameau du
Chapiu ; de defcendre delà dans la J arentaife, & de gagner le village
de Scez, qui eft fitué au pied du petit St. Bernard.
§. 3226. En cônfequénce le 4 Août 1792, nous allâmes, mon fils
ainé & moi, coucher à SaHenche, §f. Le lèndemain, nous
vînmes en fuivant la rive droite de l’Arve, dîner à Bionhay, §.752,