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ce bec, y parvint & s’y affit; mais un faux mouvement qu’il fit en fe
relevant lui fit perdre l’équilibre , il tomba & fut tué roide fur la
place-
Les rochers de cette partie de l'arrête font pour la plupart des fchif-
tes , compofés de hornblende noire & de feldfpath blanc , Jnnit-
fchiefer dt IVerner. On trouve fréquemment dans les crevaifes de
ces rochers de petits cryftaux parallélépipèdes obliquangles & translucides
, de feldfpath , tirant un peu fur le verd.
Il étoit midi quand nous arrivâmes fur cette arrête ; j’y fis une halte
de demi-heure, pour lâiffer dîner mes guides. Pendant ce tems-là je
m’amufois à voir fous mes pieds, à une grande profondeur,'des étrangers
qui traverfoient péniblement, en fe foutenant fur leurs guides ,
le plateau inférieur du glacier des Builfons, & qui fe difpofoient vraifemblablement
à faire à leur retour un récit pompeux de leur courage
& des dangers qu’ils avoient courus.
M ais je cherchois, & je cherchois en vain, à voir fur le fécond plateau
deux de mes guides chargés qui s’étoient flattés d’ariver avant
nous fur l’arrête où nous étions, en pafifant par ce plateau du glacier, qui
préfente en effet une route beaucoup plus direfte depuis le Prieuré. Mais
comme il y a de très-mauvais pas, nous étions inquiets de ne pas les voir
reparaître. Ils nous rejoignirent cependant, mais beaucoup plus tard.
Haut de § . 1 9 7 t . A p r è s avoir traverfé cette arrête , nous continuâmes à
gne^de *1* monter obliquement entre le glacier desBuiffons & la cime de cette
Côte. même arrête, dont les rocs font toujours dés granits veinés ’, mêlés
çà & là de couches de fiénifchijle, ou d’une roche feuilletée, com-
pofée de hornblende lamelleufe & de feldfpath. Les couches de ces
rochers confervent toujours la même fituation.
Nous paffâmes au-deffous d’une profonde , caverne où Jaques Bal»
m a t , dans fon précédent vo y a g e , avoit caché l’échelle qui devoitnous
R O C H E R S ET D É T A I L S , Chap. 111. i f f
aider à traverfer les crevaffes du glacier, & une perche defapin dont
nous devions auffi nous fervir dans les mauvais pas. Il retrouva l’échelle
, mais on avoit dérobé la perche; il eft fingulier qu’il y eût là
des voleurs, on ne peut pas dire cependant que ce fulTent des voleurs
de grand chemin.
Nous paffâmes auffi au pied de l’aiguille de la Tour, qui eft la
plus haute de cette arrête. Nous gravîmes enfuite des rocs de granits
veinés durs, toujours dans la même fituation ; & nous arrivâmes à
une heure trois quarts à la cime de la montagne de la Côte, dans
l’endroit où nous devions paffer la nuit.
C e t t e première journée ne fut donc pas longue, nous n’avions mis
que 6 heures & demie du Prieuré à notre premier gîte.
§. 1971. Ce gîte étoit un amas de grands blocs de granit, entre P^m'ere
couchee
lefquels mes guides efpéroient de trouver un abri, & où le Docteur ¡-ou, <je!
P a c c a r d & Jaques B a l m a t avoient couché le premier foir de leur b,ocs
expédition. Ces blocs ont été charriés là par le glacier, qui en eft tout sraiut-
proche, & que l’on doit traverfer pour s’acheminer à la cime du Mont-
Blanc. C’eft-là que l’on quitte la terre ferme & que l’on s’embarque
fur les glaces & fur les neiges jufques à la fin du voyage.
On préféré de traverfer ainfi le glacier le matin, pendant que les.
neiges font encore dures ; le paflàge eft beaucoup plus dangereux le
foir, lorfque la chaleur du jour les a ramollies. C’eft ce qu’éprouva
Marie C o u t e t , fous lequel la neige s’enfonça, quand il alla recon-
noître le paffage que nous devions faire le lendemain. Iieureufement,
comme je l’ai dit dans la Relation abrégée, il demeura fufpendu aux
cordes qui le lioient à deux de fes camarades qui l’avoient accompagné.
A leur retour nous fûmes tous empreffés à leur demander compte
de leur expédition ; comme on demande à fes efpions, des nouvelles
de l'armée ennemie, Marie C o u te t raconta fort tranquillement <k
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