& nos tentes, lorfqu’elles avoient été mouillées, & des linges mouillés
que je tenois à delTein en expérience, fe geler lorfque le thermomètre
en plein air étoit encore d’un & même de deux degrés au-
delTus de zéro. En cela, de même qu’à différents autres égards, ces
obfervations différent de celles qu’a faites M. W i l s o n fur le froid
fuperficiel de la neige. Philof. Tranf. Fol. 70 & 71. Mais la com-
paraifon de ces phénomènes & la difcuifion des caufes auxquelles
on peut les attribuer, exiger^ plus de développement qu’on ne peut
leur en donner ici. J’ajouterai feulement, qu’à Geneve, depuis mon
retour, j’ai tendu horizontalement, à l’ombre & dans des fituations
femblables, deux linges, l’un fec & l’autre mouillé. Un thermomètre
couché fur le linge mouillé s’eit tenu d’un degré, & même quelquefois
d’un degré & un quart, plus bas que celui qui fepofoit fur le
linge fec. L’air extérieur étoit à 2 degrés au-deffus de o , & le linge
11e gela pas ; mais je ne doute pas qu’il n’eût gelé fi le thermomètre
n’eût été qu’à un degré. Le froid produit dans cette expérience eit
bien certainement l’effet de l’évaporation. Et fi ce froid eft moins
grand dans la plaine, c’eft que l'évaporation y eft auffi moins con-
fidérable.
L a croûte gelée qui recouvre les neiges, eft fans doute plus épaiffe
en hiver qu’en été; je ne crois cependant pas qu’elle ait plus de
dix pieds d’épaiffeur ; & je fuis perfuadé qu’au-delà de cette profondeur,
les neiges demeurent tendres, & , comme en été, au terme
de la congélation. En effet, fi l’on adopte le principe que j’ai pofé
dans l’article précédent, que la différence entre la température des
plaines & celle des hautes montagnes, n’eft en hiver que les deux
tiers de ce quelle eft en été ; on verra que, puifque la température
moyenne duJCol-de-Géant n’eft en été que de i f degrés plus froidè
que celle de Geneve, elle ne le fera que de 10 en hiver. Ainfi comme
nos plus grands froids n’excedent gueres 15 degrés au-deffous de
zéro, ceux du Col n’excéderoient guères 25-, & ceux de la cime
du Mont-Blinc 30 ou 31 ; ce qui eft un peu moins que les plus
grands froids de Pétersbourg. O r, puifqu’à la baie d’Hudfon, dont
T H E R M O M E T R E . Chap. VI. 2fÇ
le climat eft beaucoup plus froid que celui de Pétersbourg, la terre
ne gele qu’à la profondeur de 16 pieds anglois, environ 1; pieds
de France; on né s’écartera pas beaucoup de la vérité, en fuppo-
fant que, fur les hautes cimes des Alpes, la neige ne gelé en hiver
qu’à 10 pieds de profondeur; fur tout fi l’on confidere que la neige
fe laiffe pénétrer par le froid plus difficilement que la terre.
Ces confidérations confirment ce que j’ai av.ancé dans le Chapitre
fur les Glaciers, ( Voyages dans les Alpes, Tome I. ) que le fond des
calottes de neige dont les hautes cimes font chargées, eft encore de
la neige & non point de la glace. Mais j’y joindrai aujourd’hui cette
reftridion, c’eft qu’il peut y avoir & qu’il y a effeélivement de la
glace fur les bords des efearpements & des crevaffes, par où l’air
extérieur peut pénétrer. J’en ai vu la preuve en allant au Mûnt-
Blànc. Les neiges épaiffes qui repofent fur des pentes médiocrement
rapides, contractent des fentes qui fe coupent à angles droits, & qui
divifent les neiges en grands blocs de forme redangulaire. Souvent
ces blocs font fi réguliers, qu’on les diroit taillés au cifeau. Les gens-
de Chamouni les nomment alors des férès ou féracs, du nom d’une
efpece de fromage compacte, que l’on retire du petit lait, (ferum)
& auquel on donne auffi une forme redangulaire. Ces féracs rangés
en ordre comme des gabions fur le bord de l’efearpement du Dôme
du Goûté, préfentoient l’afpect le plus extraordinaire, & il s’en déta-
choit de tems en tems qui rouloient jufqu’au bas, & qui couvraient
de leurs débris la route que nous fuivions..J’eus là la facilité de les
obferverde près. Ils font compofés de couches parallèles ; ces couchés
marquent les années, & font d’autant plus minces qu’elles font plus
anciennes. Les fupérieures n’ont point de confiftance, parce qu’elles
ne peuvent pas retenir la quantité d’eau néceffaire pour lier leurs
parties ; mais elles deviennent graduellement plus compades, & celles
du fond ont réellement la confiftance de la glace ; parce qu’après
avoir été imbibées d’eau par la fonte des- neiges fupérieures, l’air
qui les entoure a donné au froid extérieur un accès fuffifant pour
les geler. Du haut du Col-du-Géant, on voit auffi une quantité de
ces féracs, & fur-tout à la furface du glacier du Mont-Fréti.