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7°. L a nature des roches où le granit en malTe ne fe trouve qu’ac-
cidentellemeut..
8°. La quantité des mines d’or, qui fe trouvent prefque de tous
les côtés du cirque dans les montagnes qui en font les plus voifines.
9°. Une efpece de garde allemande qui occupe les dehors du
cirque, je veux dire des villages allemands (itués tfutour du pied du
Mont-Rofe dans les vallées mêmes, dont tout le relte parle ou italien
ou françois. Ces villages font Gontz, Macugnag», Allagna & Greflo-
ney ; les trois premiers renfermés dans des vallées italiennes, & le
quatrième dans le Val-d’Aofte où l’on parle français. L’origine de ces
Allemands eft abfolument inconnue; mais l’opinion la plus vraifem-
blable eft que ce font des habitants du Haut-Valais qui, en tra-
verfant les Alpes, ont vu que les fommités de ces vallées étoient
inhabitées, & s’y font établis dans ua temps où les habitants de
l’Italie, accoutumés à un climat plus doux, n’ofoient pas conduire
leurs troupeaux, ni fe fixer eux-mêmes dans ces pâturages entourés
de neiges & de glaces.
Moeurs de §. 2244. J ' a j o u t e r a i ici un mot fur les moeurs des habitans de
*ants.,b'' ces villages, qui ne font pas une des Angularités du Mont-Rofe les
moins dignes de l’attention d’un voyageur.
C omme les productions du fol ingrat & borné de ces village*
élevés, ne fuffifent point à la fubliftance de leurs habitants, les hommes
en fortent à-peu-près tous pour chercher à gagner leur vie; ils
commencent par être colporteur*, & finilfent fouvent par des établiiTe-
ments avantageux. La pofition de ces villages les force tous à apprendre,
dès leur enfance, outre l’allemand qui eft leur langue maternelle,
l’italien ou le français, que l’on parle dans les villages voifins; & la
connoiftànce de ces deux, & fouvent des trois langues, leur donne
une grande facilité pour voyager. Les femmes reftent donc à-peu-
près feules chargées de tous les travaux de 1» campagne; & comme
elles fout même en plus grand nombre que ne l’exigent ces travaux,
elles s’occupent à tranfporter des marchandifes fur leur dos, en tra-
verfant des pafTages dangereux, inacceffibles aux bêtes de fom me , &
qui fouvent évitent des détours de plufieurs journées. Elles font ces
tranfports avec mie force, une diligence & une fidélité tout-à -fait
rares. Je donnerai une idée de leur force. J’avois fait à Macugriaga
une caifie de minéraux extrêmement pefante ; je demandai à mon
hôte s’il pourroit me trouver un homme qui portât cette caiffe jufqu’à
Vanzon, d’où l’on pourroit l’expédier à Geneve. Il me répondit très-
férieùfement qu’il n’y avoit point au pays d’homme qui pût porter
un tel fardeau à une telle diftance; mais que s’il m’étoit égal que
ce fût une femme, il en trouveroit aifément une qui s’en chargeroit
volontiers ; & il eft de fait que deux d’entr’elles fuffifent pour porter
la charge d’un mulet. Ces travaux pénibles ne diminuent point la
gaieté de leur caractère. Lorfque nous montions la pente rapide du
paffage de l’Egua, nous fûmes atteints par fix de ces femmes qui
demeuroient de l’autre côté de la montagne, elles l’avoient traversée
avant jour pour venir à la vogue à Banio, & elles s’en retournoient
coucher dans le Val-Séfia. Accoutumées à traverfer ces montagnes
chargées de fardeaux énormes, c’étoit un jeu pour elles que de faire
deux fois de fuite ce voyage à vuide; elles couroient, fe pourfui-
voient, grimpoient par gaieté fur des hauteurs qui bordoient notre
route , nous devançoient de deux ou trois cents pas, puis s’amufoient
à cueillir des fleurs ou à chanter à l’ombre d’un roeher, pour s’enfuir
enfuite, comme un vol de ramiers, au moment où notre marche
lente & uniforme nous ramenoit auprès d’elles.
L a fobriété, compagne ordinaire de l’amour du travail, eft encore
une qualité remarquable des habitants de ces vallées. Ce pain de feigle,
dont j’ai parlé, qu’on ne mange que fix mois après qu’il «ft cuit, on
le ramollit dans du petit lait ou dans du lait de beurre, & cette efpece
de foupe fait leur principale nourriture; le fromage & un peu de
vieille vache ou de chevre falées, fe réfervent pour les jours de fête
ou pour le temps de grands travaux ; car pour la viande fraîche, ils
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