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bloc détaché de pierre calcaire grenue, à grains médiocres, mêlés
de mica. Le milieu de ce bloc, dans la largeur d’un pied, étoit en
zigzags redoublés, renfermés entre des veines planes & parallèles. Au
refte, ce phénomène ne s’obferve pas feulement dans des pierres,
dont la texture grenue prouve qu’elles ont été formées par une efpece
de cryftallifation. Je l’ai obfervé auffi dans des ardoifes, qui ne pré-
fentent aucun autre indice de cryftallifation.
O n rencontre enfuite des blocs énormes de la même pierre calcaire
grenue, mais à feuillets droits & blancs, réparés- par des couches
minces de mica d’un noir bleuâtre, dont.la furface paroît ftriée ou
comme froncée. Cette pierre calcaire grenue fe diffout avec une vive
effervefcence d'ans l’acide nitreux; mais en laiffant en arriéré des
petits grains d’un beau blanc, qui, vus au microfcope, paroiiTent
irrégulièrement anguleux, & préfentent la calibre du quartz. Leur
qualité réfraéîaire confirme au chalumeau le jugement de l’oeil. Voilà
donc encore un exemple des tranfitions entre les micacées calcaires
& les micacées quartzeufes, que j’avois déjà vues au Mont - Cenis,
§. 1255 & ailleurs. Les montagnes,de part & d’autre de la vallée,
paroiffènt eompoféès du même genre de pierre.
A un petit quart de lieu au-delà du village de Bonnaval, on laide
à fa droite un amas de grands débris encore calcaires, formés fur
place par le délitement fpontané & l’écroulement de la montagne.
On entre enfuite dans un bois qui croit fur des débris d’ardoifes
noires, » fbrfaces (triées ou froncées. La montagne du côté gauche
de la vallée, ou à l’Eft, a pour bafe des ardoifes fetnblables ; mais
tout le refte jufqu’au fommet, élevé d’environ- 400 toifes, eft de
calcaires grenues, dont les couches montent au Nord-Nord-Oueft,
fous un angle de 30 à 4» degrés.
Au fortir de ce bois, on rencontre un rocher en place, irrégulièrement
divifé, c’eft une pierre verte, qu’autrefois j ’aurois nommée
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reche de corne; mais que fa ftruâure fchifteufe & fquameufe, ou
compofée de lamelles ou d’écailles comprimées, rappelle aux fchiftes
de hornblende, oïl hornblende-fchiefer de M. ’Werner. Cette pierre
eft tendre, fa rayure eft matte, d’un gris-blanc verdâtre, & elle fe
fond aifément au chalumeau en un émail noir & brillant Le village
de Chatelard , où l’on vient enfuite , préfente, fur une éminence , un»
tour quarrée, qui paroît être de conftruétion romaine, & de beaux
vergers en pente au-delfus de l’Ifere.
B ientôt après le chemin fe partage; celui de la droite conduit
au bourg de St. Maurice, & celui de la gauche, que nous prenons,
à Scèz & au petit St. Bernard. En defcendant par ce chemin, on a
une fort belle vue de la vallée de Tlfere. Cette vallée eft à fond plat,
dévaftée en partie par l’Ifere & par d’autres torrents. Elle paroît de
l’ordre des vallées longitudinales, dirigée de l’Eft-Nord-Eft à l’Oueft-
Sud-Oueft, bordée au Nord par des montagnes femblables à celles
que nous venons de fuivre, & dont les couches fe relevent aullï
contre le Nord. Les montagnes oppofées, ou au Sud de la vallée,
n’ont pas beaucoup de phyfionomie ; leur partie inférieure eft couverte
de forêts. Cependant, au - delfus des bois, leurs efcarpements
fe découvrent & paroiiTent auffi fe relever contre le Nord. On
montre dans ces montagnes l’emplacement de fameufes mines d’argent
de Pezai, les feules de la Savoie qui aient foutenu une exploitation
durable. Du côté de l’Eft, la vallée de l’Ifere paroît terminée ou
barrée par une haute montagne, lituée au - deifiis du village de Sic.
Foy.
Le village de Scèz, fitué au bord de l’Ifere, & où l’on vient en
demi-heure depuis le Chatelard, eft allez grand, & jouit d’alTez de
commerce, comme tous ceux fitués au pied d’un palfage fréquenté.
Le Châtelain, M Cartanaz, qui vifa nos palfe-ports, nous reçut avec
beaucoup de politelfe ; il nous dit que ce village étoit fujet en hiver
à de grandes intempéries, & fur-tout à des tourbillons de vent que
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