à pied & chargé même de nos marteaux-& de quelques infiniment*
que nous aimions à tenir toujours à notre portée, & il ne témoignoit
aucune crainte ni aucun regret de s’être embarqué avec nous. Mais
quand il fe trouva au milieu des neiges qui couvrent le glacier du
Mont-Cervin, quand il vit les mulets s’enfoncer juiqu’aux iàngles dans
ces neiges où il s’enfonçoit lui-même jufqu’aux genoux, en paffant
tout près de crevalTes qu’il croyoit prêtes à l’engloutir, il fut faifi
d’une terreur inexprimable ; il pleuroit, il fe vouoit a tous les Saints
du Paradis; & quoiqu’il nous rendit juftice, qu’il avouât que c’étoit
lui-même qui avoit demandé de nous accompagner, & qu’il ne pouvoit
accufer que fa folle curiofité; il témoignoit les regrets les plus amers
de s’être engagé dans cette entreprife. Comme la traverfee eft de
plus d’une heure, le tems lui parut long, il la fit pourtant fans accident;
mais quand il eut atteint la langue de terre fur laquelle nous
allions nous établir, & qui fépare ce, glacier de celui de Zer-Matt,
il fembloit fou de joie, & il lui fallut du tems pour reprendre fes
fens, au point de pouvoir travailler avec nous à achever la cabane
où il devoit coucher avec nos guides, & à applanir le terrein fur
lequel on devoit tendre la tente qui nous étoit deftinée.
L a foirée fut très-froide, & nous eûmes heaucoup de peine à
allumer du feu; nos guides n’avoient apporté ni amadou, ni allumettes;
je crois même qu’au Breuil.ces inventions palTent pour des
objets de luxe; & certainement, nous ne ferions pas venus à bout
d’en allumer, fi nous n’avions pas eu de la poudre à' canon & de
Péther. Malgré ce feu, nous fouffrimes beaucoup du froid, qui fembloit
perçant en comparaifon de la vallée d’Aofte que nous venions
de quitter. Notre tente fous laquelle nous couchâmes , fe couvrit de
tofée, & fe gela enfuite. Cependant nous nous réchauffâmes fous
nos pelliiles, & nous paflâmes une fort bonne nuit.
C H A P I T R E V.
M E S U R E D U M O N T - C E R V I N .
8. Ü24I- N o u s deftinâmes la journée du iz à la mefure trigono- choix*
métrique de l’aiguille du Mont - Cervin. Nous avions reconnu dans mefure de
notre précédent voyage, que le fite le plus convenable pour cette mefurela faafe’
étoit le glacier qui du haut du Col defcend du côté du Nord, ou
plutôt du Nord-Eft au village de Zer-Matt. Ce glacier eft renfermé
dans une large vallée, qui paife au pied de l’aiguille. La furface de
ce glacier, couverte de neige, eft égale, & prefque horizontale dans
un efpace de près de mille pieds ; & à la proximité où elle eft de
cette fcime, cette étendue nous paroiiToit fuffire pour donner le degré
d’exaüitude que nous pouvions raifonnablement defirer. Je vais entrer
dans quelques détails, pour que l’on puiflfe juger dqs foins que nous
avons employés dans des opérations de ce genre.
Nous avions pour mefurer nos bafes une chaîne de fer, conftruite
fur le modèle que M. le Chevalier Schuchburg avoit apportée d’Angleterre
pour mefurer nos montagnes. Phil. Tranf. Elle eft compofée
de cinquante chaînons d’un pied chacun, & foigneufement drefles.
J'ai mefuré avec beaucoup de foin, fur le parquet de la maifon que
j’habite, une longueur de cinquante pieds. A chaque voyage , je
compare ma chaîne à cette mefure à une température à-peu-près égale
à celle de la bafe à la mefure de laquelle je l’ai employée, & ici
par conféquent près du point de la congélation. Ainfi je trouvai la
longueur de la chaîne, plus celle du diamètre du piquet de fer, qui
s’ajoute à chaque chaîne au moment où on la plaée, ^0,0474164
I F f f i