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Mêmei §. 2071. J’AI en le plaifir de voir de très-près fur le Col du Géant
nés vus*dê la diiIolutioa des nuag es dont 3$ viens de parler. Dans le fond de la
uès-près. vallée de l’Allée-Blanche qui étoit immédiatement fous nos pieds, il fe
formoit quelquefois des nuages, qui le matin, lorfque le foleil réchauf-
foit la pente de la montagne, fuivoient cette pente & s’élevoient en-
fuite rapidement au-deffus de nous. Ainfi peu-à-pcu l’air de la vallée
fe faturoit, & ces nuages confervoient leur nature, tant qu’ils étoient
renfermés entre les parois de la vallée. Mais dès qu’ils s’étoient élevés
au-deflus de ces parois, & qu’ils fe trouvoient. à l’air libre, ils fe dif-
folvoient, en préfentaqt au même inftant des phénomènes très-remarquables.
On les voyoit fe divifer en filaments qui, femblabtes à ceux
d’une houppe de cigne qu’on éleélrife, fembloient fe repouffer mutuellement
en produifant des tournoiements & des mouvements fi bifar-
res, fi rapides & fi variés qu’il feroit impoffible de les décrire. Nous
pallions quelquefois des heures entières à contempler ces fingulfcrs
mouvements.
L ’é l ïc t s ic it é que ces nuages excitoient dans l’éleélrometre étoit
conftamment pofitire, conformément au fyftême de M. V o l t à ; mais
je ne crois point que l’éledricité fût la feule caufe de ces phénomènes ;
je penfe que la vapeur élaftique produite par la diffolution des parties
veficulaires de ces nuages contribuoit beaucoup à ces mouvements.
On voit encore ici, contre l’opinion de M. nu Caila , que les.
vapeurs diffoutes dans l’air, ne fe condenfent point par la. feule/ rai»
fon de l’afcenfion de cet air ; mais qu’au contraire, celles qui font
déjà condenfées fe diffolvent quand l’air fijpérieur eit plus fec que l’inférieur.
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Nuages § . 2072. L ’ o b î e r v a t i o n de ces phénomènes m’a donné lexplica-
«wrondk tl0n deces nuaffe* qwi paroiffent fouvent d’un blanc mat & compaél,
avec des bords arrondis & diftinétement terminés. Je penfe, que çc,
font des amas de vapeurs véficulaires dans un état d’afcenfion au trao
N U A G E S E T O R A G E S , Chap. I X a??
vers d’un air faturé d’humidité. La réliftance de l’air refoule & arrondit
ces maffes, dont les molécules s’attirent réciproquement & demeurent
raffemblées tant qu’aucune force ne tend à les défunir. Mais dès
que la chaleur de l’air augmente ou que ces nuages atteignent des
régions plus feches, ces véficules commencent à fe diffoudre; la vapeur
élaftique produite par cette diffolution les écarte : on voit les bords
des nuages s’effiler, & je ne doute nullement qu’alors , fi on les voyoit
de près, on n’y obfervât les phénomènes que j’ai décrits dans le paragraphe
précédent.
§. io7j.. Q u a n t aux orages, je n’en ai vu naître dans ces monta- Ong»,
gnes que dans le moment de la rencontre ou du conflit de deux ou
plufieurs nuages. Au Col du Géant, tant que nous ne voyions dans l’air
ou lur la cime du Mont-Blanc, qu’un feul nuage, quelque denfeou
quelque obfcur qu’il parût, il n’en fortoit point de tonnerre; mais s’il
s’en formoit deux couches l’une au-deffus de l’autre, ou s’ilenmontoit
des plaines ou des vallées, qui vinffent atteindre ceux qui occupoient
les cimes, leur rencontre étoit fignalée par des coups de vent, des
tonnerres, de la grêle & de la pluie.
S . 2074. T’e u s occafion de répéter, pendant notre féjour fur le Col Bouffe»
. ni a veut. du Géant, l’obfervation que nous avions faite mon hls & moi pendant
le terrible orage que nous effuyâmes dans la nuit du 4- au f juillet,
5. 2&31 ; c’eft que fur ces hautes montagnes les bouffées de vent les
plus violentes alternent avec des intervalles du calme le plus parfait.
O r , ce n’eft pas feulement par des fenfations fouvent trompeufes que
nous jugions de ce calme, nous le voyions par les toiles & les cordages
de nos tentes , dans le moment ou le vent les tendoit avec la
plus grande force : tout-à-coup on les voyoit pendre tout a plat.,
fans la plus légère tenfion & fans le moindre mouvement, & l inf-
tant d’après le vent fe ranimoit comme fi c’eut ete par un coup de
tonnerre.
On éprouve bien dans les plaines des inégalités confiderables 8c
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