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dégoûté par une finguliere prévention. Comme elle fuit une efpece dê
vallée entre de grandes hauteurs, on s’étoit imaginé qu’elle étoit trop
chaude & trop peu airée. Cette vallée eft cependant bien large, bien
acceflible aux vents, & Içs glaces qui en forment le fond & les parois,
ne font pas propres à la réchauffer. Mais la fatigue & la rareté de l’air
donnoieni, à ceux qui firent les premières tentatives, cet accablement
dont j’ai fouvent parlé ; ils attribuèrent ce mal-aife à la chaleur & à
la ftagnation de l’air, & ils ne cherchèrent plus à atteindre la cime que
par des arrêtes découvertes & ifolées comme celle du Goûté. Les gens
de Chamouni croyoient auffi que le fommeil feroit mortel dans ces
grandes hauteurs, mais l’épreuve qu’en fit Jaques .Balmat, en y paifant
la nuit, diflipa cette craintej & l’impoffibilité de parvenir en paifant
fur les arrêtes, contraignit à reprendre la route la plus connue & la
plus naturelle.
R E L A T IO N A B R É G É E D U Y O Y A G E , Chap. I. 14 1
C H A P I T R E I I .
RELATION ABRÉGÉE D'UN VOYAGE A LA
CIME D U MONT -B L AN C , en Août 1787. (1)
D i v e r s ouvrages périodiques ont appris au Public, qu’au mois
d’août de l’année derniere, deux habitants de Chamouni, M. P a c c a r d ,
Dodeur eu médecine, & le guide J a q u e s B a l m a t , parvinrent à la
cime du Mont-Blanc, qui jufques alors avoit été regardée comme
inacceffible.
Je le fus dès le lendemain, & je partis fur le champ pour effayer de
fuivre leurs traces. Mais il furvint des pluies & des neiges qui me forcèrent
à y renoncer pour cette faifon. Je laiifai à J a q u e s B a l m a t la
commiffion de vifiter la montagne dès le commencement de juin,
& de m’avertir du moment où l’affaiflement des neiges de l’hiver la
rendroit acceffible. Dans l’intervalle j’allai en Provence, faire au bord
de la mer des expériences qui devoient fervir de terme de comparaifon
à celles que je me propofois de tenter fur le Mont-Blanc.
J a q u e s B a l m a t fit dans le mois de juin deux tentatives inutiles ;
cependant il m’écrivit qu’il ne doutoit pas qu’on ne pût y parvenir
dans les premiers jours de juillet. Je partis alors pour Chamouni. Je
rencontrai à Sallenche le courageux B a l m a t qui venoit à Geneve
( 1 ) Cette Relation eft celle que,je publiai
en 1787 1 au moment de mon retour
Comme le public en parut content, j ’ai
cru devoir la conferver fans aucun changement;
mais j’ai donné dans lés chapitres
fuivant les développements que je promis
alors des obfervations dont cette notice
ne contenoit que les réfultats.