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 C ette  finguliere  hiftoire,  dont  on  m’avoit  parlé  à  Turiu, comme  
 d’un  fait avéré  ,  piquoit  vivement ma  curiofité.  Arrivé  à  Greffoney  je  
 me  hâtai  de prendre des informations,  & je fus  très-étonné de voir tous  
 les payfans  à  qui j’en parlai, m’affurer que  c’étoit  une  fable  ,  ou  que  
 du  moins  il  n’exiftoit  dans leurs montagnes  aucune vallée inacceffible :  
 je ne trouvai  que  la  perfonne  qui  avoit  fait  le  plus  de  bruit  de  cette  
 découverte  &  un de  fes  proches  parents  qui me  foutinffent  l’exiftence  
 de  cette  vallée  ;  mais  ils  la  foutenoient  d’une  maniéré  fr  affirmative  
 quej’étois  fortement  ébranlé.  Enfin,  comme  je  me  trouvois  avec  ces  
 Jeux  perfonnes  fur  la  place  du  village,  remplie  de  monde  à  l’iffue  
 de la  nielle, j’apperçus  dans  la  foule un  chalTeur  qui  m’avoit fortement  
 fou te nu  la  non-èxiftence  de  cette  vallée  inhabitée ;  je  l’appellai,  je  le  
 mis  en  face  de  celui  qui  aflùroit  l’avoir  vue,  &  je  lui  demandai  s’il  
 pourroit  foutenir  l'on  dire  en  l'a  prefence ;  il ¡affirma  qu’oui,  qu’il  le  
 foutiendroit.  Alors  le  patron  de  la  découverte  lui  dit  :  9  Comment  
 5,  pouvez - vous  foutenir  que  cette  vallée  n’exifte  pas,  puifqüe vous  
 „   êtes  vous - même  un  des  fix  avec  lefquels  je  l’ai  vue.. . .   'Et  c’eft  
 „   jultement  parce  que  j’y  étois,  répondit  le  chalTeur,  que  je foutiens  
 S  que  cette  vallée  n’eft  point  inhabitée-,  puifque j’y  ai  vu  des  vaches  
 „   &  des bergers.  „  L’autre  voulut  nier, mais  il  fé  fit  une- huée générale  
 qui  lui  ferma la bouche,  &  la  queftion me parut  décidée. 
 Ensuite,  lorfque  delà  cime  de  Corne-Rouge, j’ai bien  vu  la  fitua-  
 tion de la gorge  d’où  ces  chaiTeurs  avoient  cru  faire  cette découverte ',  
 j ’ai  été  convaincu  que  la  vallée  qu’ils  avoient  vue  étoit  précifément  
 celle  de l’Alpe de  Pédriolo  où  nous  avions palfé deux  nuits dans notre  
 voyage  au  Pic-Blanc.  En  effet,  cette  vallée  eft  fituée au Nord de. cette  
 gorge  &  doit  fe  préfenter  de-là  exactement  comme  celle  que décrivent  
 ces  chafféurs.  Et  fi  l’on  conlidere que  les chalets de Pédriolo  font dans  
 la  partie de  la  vallée  la  plus  baffe ,  la  plus  éloignée de  la  gorge & derrière  
 des  rochers  qui  fes  dérobent entièrement à  la  vue des  cimes méridionales, 
   on  concevra  que  fi  les  troupeaux  paiffoient  daijs  les  pâturages  
 ïitués  au  Nord  au-deffous des  chalets ,  au moment  où  les  chaii 
   O  1   ^  R O T H . H O R  N ,  Chip,  y   1  I   -w,  
 feurs  de  Greffoney  vinrent pour  la  première fois  fur 1e  bo'rd  de  cette  
 gorge,  ils nont du  voir dans cette vallée ni habitations  ni troupeaux  
 Et il  eft  permis  de  fuppofer que  s’ils  en  ont  apperça  à  leur  fécond  
 voyage ,  ils  n’auront pas  voulu  renoncer  à  l'honneur  de  leur  décou  '  
 verte, & avouer qu’ils n’avoient vu qu’une vallée connue & habitée  Mais  
 peu-a-peu, comme  cela  arrive  pour  l’ordinaire,  gue , &  la  vérité a prévalu. fe  fecret E ft  divulNous  
 aurions  cependant  été  curieux,  & fur-tout mon  fils,  de jumer  
 par  nos yeux  delà  réalité de notre  conjecture;  mais 1e  tems étoit  trop  
 dérangé  pour  une  telle  entreprife; & en  effet,  nous  n’eûmes pas  deux  
 jours  de  fuite  de  beau  dans  tout  le  refte  de notre  voyage. 
 Ces  renfeignements  pourront fuffire  à  ceux,  qui par  un  tems  plus  
 favorable ,  voudraient aller voir cette  vallée , & effayer de s-’élever aux  
 plus hautes cimes du Mont-Rofc ,  qui font  à  la gauche ou au couchant  
 de la  gorge  d’ou  l’on  découvre  cette  même  vallée.  J’ajouterai  feule  
 ment,  que le plus  court chemin  pour aller à Greffoney n’eft point celui  
 que nous  avions fuivi :  fi  l’on vient du côté de l'Italie,  il  faut remonter  
 fe  Lys depuis  le  village  de  St. Martin en  Val-d Aoft,  §.  fipsf ; mais.  '  
 au côte  de la Suidé,  il  faut-fuivre  la  route que  nous prîmes  en  revenant  
 , & dont je donnerai bientôt la  notice. 
 §'.2pf7.  M*is  je  n’ai  parlé  que  des  objets  que l’on  découvre  |f i   Nature  
 du «oth-Hom ;  je  dois  dire cependant  un mot de la ftrucfure de & 
 « tte   montagne  &   de  la  route  que  l’on  luit  pour  atteindre-  fa  cime. 
 Le  Roth-Hern  eft  fitué  an  Midi  des  chalets  dé  B e t e ,   en  face  du  
 fflont-Rofe  ,  qui- e ft  au ,Nord'  de  ces  chalets.  Nous commençâmes par  
 gravir  une  montagne  qui  domine  immédiatement  ces  chalets  qui  f c   
 ^ n ime   la  montagne  de  BePtit,  &  qui  paroît  faire  corps, avec  fe Roth-  
 quoiqu’elle en  foit  fépaiée  par-  un  vaifcm  inhabité  qui renferme  
 eu* petits  lacs.  La.  baie  de  cette  montagne  eft  «ne  roche  micacée