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hauteur ; ce feu fervit à faire cuire notre foupe & à nous défendre
contre la vive fraîcheur de la foirée. La nuit étoit magnifique, & je
me livrai un peu trop au plaifir de la contempler; car le froid me
donna un mal-aife qui rallentit un peu ma marche dans la courte
pénible du lendemain.
Montée du §. n j 7 - C e t t e jo u rn é e fu t effectiv ement t r è s -p é n ib le : n ou s g ra -
Pic-Blanc. v {mes d’a b o rd des pentes de ro ca ille s brifées e xtrêm em en t ro id e s ;
puis une avalanche de neiges dures très-rapides qu’il fallut tra'erfer
avec quelques dangers; puis des neiges qui, bien que nouvelles , étoient
dures, glacées à leur furface & effrayantes par leur inclinaifon, &
enfin une arrête de rocs incohérents qui ' s’ébouloient fous les pieds,
& reftoient à la main quand on eflayoit de s’y accrocher.
A près cinq heures de cette fatigante montée, nous arrivâmes fur
une cime, qui appartenoit bien au Pic-Blanc, mais qui n’étoit cependant
pas la plus haute. La pointe la plus élevée nous dominoit encore
de jo ou 40 toifes ; mais nous en étions féparés par une gorge profonde,
où il auroit fallu redefcendre par une pente de neiges dure*
très - dangereufe, pour remonter enfuite par une pente encore plus
roide. J etois fatigué, mal à mon aife; je trouvai que ce petit nombre
de toifes ne valoit pas ces peines & ces dangers, & je réfiftai à mon
fils qui auroit déliré que nous allaflïons au plus haut Nous n’aurions
rien vu de plus ; & vraiment, nous avions lieu d’être contents de
l’afpedt que nous préfentoit le porte que nous occupions. Nos gens
fe hâterent de tendre la tente, abri néceffaire à mon fils pour pefer
fon grand ballon : nous primes là quelques inftants de repos & un
peu de nourriture, qui me remit parfaitement, me rendit la force
néceffaire pour bien jouir du fpeclacle, aulfi nouveau qu’extraordinaire
, que j’avois à voir & à décrire.
Nature & §. 1138. En effet, toutes les hautes fommités que j’avois obfervées
duMont iufqu’à ce )our> font* ou ifolées comme l’Etna, ou rangées fur de*
Rofe. ligues droites comme le Mont - Blanc & fes cimes collatérales. Mais
L E R i C - B L A N C, Chap, V, 351
là je voyois le Mont-Rofe, compofé d’une fuite non-interrompue de
pics gigantefques prefqu’égaux entr’eux, former un vafte cirque, &
renfermer, dans leur enceinte, le village de Macugnaga, fes hameaux,
fes pâtqrages, les glaciers qui les bordent, & les pentes efcarpées
qui s’élèvent jufqu’aux cimes de ces majertueux coloiïès. (3 )
M a is ce neft pas feulement la iingularite de cette forme qui rend
cette montagne remarquable; c’eft peut-être plus .encore fa ftructure.
Jai conftaté que le Mont-Blanc & tous les hauts ifommets de fa
chaîne, font compofés de couches verticales. Au Mont-Rofe, jufqu’aux
cimes les plus élevées, tout eft horizontal, ou incliné au plus de
30 degrés.,
E n f in , il fe diftingue encore par la matière dont il eft conftruit. Il
n’eft point de granits en maffe, comme le Mont-Blanc & les hautes
cimes qui l’entourent; ce font des granits veinés & des roches feuilletées
de différents genres , qui conftituent la maffe entiere de cet
aifemblage de montagnes, depuis fes bafes jufqu’à fes plus hautes
cimes. Ce n’eft pas que l’on n’y trouve du granit en maffe ; mais il
y eft purement accidentel,. & fous la forme de rognons, de filons,
ou de couches interpolées entre celles des roches, feuilletées.
S. 2139. On ne dira donc plus que les granits veinés, les gneifs II y a des
& les autres roches de ce 'genre, ne font que les débris des granits s,anits .re!‘
rr l i ' o , ■ ' . . . . nes pnmi. raliembles & agglutines au pied des hautes montagnes, puifque voilà tifs,
des rochers de ce genre dont la hauteur égale à très-peu-près celle
des cimes granitiques les plus hautes connues, & où l’on feroit bien
( 3 > Le Pere Beccaria obfervant de Turin
cette iinguliere montagne , s’étonnoit de îa
prodigieufe largeur de fa cime , qu’il éva-
luoit à 5 507 toifes. Il conjeéluroit que cette
grande largeur réfultoit de la réunion de
plufieurs fommités, & que c’etoit peut-être
cette multitude de cimes qui lui avoit fait
donner le nom de Rofe. Gradus Taurinen-
i §• 198 v n otera . C ’èft avec bien du
plaifir que j ’ai vérifié cette ingénieufe con*
jeéture.