Tig ' M O N T - B L A N C ,
Halte fur §. rç86. Enfin , en deux heures & demi de marche, a compter de
l'épaule du j,endroit 0ù nous avions couché, nous atteignîmes le rocher que
Blanc. j’appelle l’épaule gauche ou le fécond efcalier du Mont-Blanc. Là,
s’o'uvrit à mes yeux un horizon immenfe, & tout-à-fait nouveau
pour moi ; car la cime étant à notre droite , rien ne nous déroboit
l’enfemble des Alpes du côté de l’Italie, que je n’avois jamais vu d’une
auffi grande hauteur ; mais je réferve ces détails pour le chapitre fui-
vant. Là, j’eus la fatisfaétion de me voir afifure d’atteindre la cime ,
puifque la montée qui me reftoit a faire n’etoit ni rapide ni dangereufe.
Nous mangeâmes un morceau , affis fur le bord de cette magnifique
terraffe; mais le pain &la viande que j’avois fait porter setoient gelés
à fond. Cependant le thermomètre n’avoit jamais été plus bas que j
degrés au-deffous du ternie de la glace ; & ces aliments renfermés &:
couverts dans une hotte, portée fur le dos d’un homme, devoient
avoir été un peu préfervés du froid par la chaleur de fon corps. Je luis
donc perfuadé que dans la plaine, au meme degré de froid , ces aliments
ne fe feraient point gelés, & vrailemblablement que là même un
thermomètre renfermé dans la hotte ne feroit pas defeendu a o ; mais
dans cet air rare & toujours renouvelle , les corps imprègnes d eau
fubiffent une très-grande évaporation, & par cela même fe refroidilfent
beaucoup plus que la boule fcche d’un thermomètre. Pendant cette
halte le thermomètre à l’ombre, à 9 heures du matin, étoit à î degré
au-deffus de o , & mon hygromètre à 59.
' Nature §. 1987. L e s rocs nuds que l’on rencontre là, & qui forment deux
de ces ro- cfpeces d’arrêtes noires & un peu faillantes , que l’on voittres-bien des
chers. y>0rds de notrc lac, à gauche de la plus haute cime du Mont-Blanc,
Granits, font des granits, ici dégradés en fragments épars ; là , en rochers folides,
divifés par des fiffures à peu - près verticales, dont la direction eft
conforme à celle qui regne généralement dans ces montagnes, favoir
du Nord-Eft au Sud-Oueft, & que je regarde par conféqueut comme
des couches.
Le
R O C H E R S E T D É T A I L S , Chap. 1J J. 169
L e feldfpath qui entre dans la compolition de ces rochers eft d’un
blanc tirant fur le gris, ou fur le verd, ou fur le rougeâtre ; il donne
au chalumeau un verre , dont on peut obtenir des globules d e o , 6*
tranfparents, fans couleur, mais remplis de bulles.
Ce feldfpath eft ici p u r , là enduit ou même mélangé d’une fubf- Sléatite
tance d’un gris qui tire fur le verd céladon; fans éc lat, terreufe, tcrreufe‘
tendre, fe rayant en gris blanchâtre. Cette fubftance paraît être une ftéa-
tite terreufe ; il eft difficile d’en obtenir des fragments dégagés de feldfpath
; ceux que je fuis parvenu à féparer, fe font fondus au chalumeau
en un verre verdâtre, translucide & d’un afpeét extrêmement
gras. Ils fe décolorent fur le filet de fappare & le dilfolvent aveo
efiervefcence.
L e quartz blanchâtre, demi-tranfparent, qui entre dans la compo-
fition de ce granit, paroît un peu gras dans fa calfure; un fragment
d’une quinzième de ligne de longueur, fur une trentième d’épailfeur,
ou de o , 067, fur o , o;y, fixé à l ’extrémité d’un filet de fappare délié,
s’eft parfaitement arrondi à la flamme du chalumeau, en perdant un
peu de fa tranfparence qui, fous ce volume paroilfoit parfaite, & il
s’eft formé quelques bulles dans fon intérieur. Ce quartz eft donc plus
fiffible que le cryftal d« roche dans le rapport de o , 03) à o , 014.
Ces granits font fréquemment mélangés de hornblende ; ici noirâ-
i r e , là tirant fut le verd.
On y voit auffi de la chlorite fouvent d’un verd noirâtre, tantôt en Chloekts
veines, tantôt en nids & même en malfes alfez épaiffes. Elle eft tendre
, mais non pas friable ; d’un grain très-fin, & fes petites parties,
Vues au microfcope, paroiifent des lanies minces très-translucides, d’un
verd clair, mais elles n’ont pas la régularité de celles du St. Gothard,
que j’ai décrites au §. 1893. Ce foffile, de même que la hornblende,
paroît tenir dans ces granits la place du mica qui ne s’y montre qu’en
Ijimes très-petites & très-rares.
. T im e I f . Y