Le commandant-général de cette tronpe se nomme janissaire-
a ga; il réside à Constantinople, e t, quoiqu’il jouisse d’un grand
pouvoir et d’une grande considération, il a un rang inférieur à
celui de pacha. Dans la plupart des villes où résident les pachas à
trois queues, il y a pareillement un janissaire-aga, général divisionnaire
des troupes à pied de toute la province. Il est sôumis au
pacha, dont il reçoit et exécute les ordres.
Pendant plusieurs règnes, le fanatisme religieux, l’espoir du
pillage, la présence du souverain ont rendu les janissaires extrêmement
redoutables. Ils couraient aux armes avec joie , avec empressement,
toutes les fois que l’étendard de Mahomet était déployé,
et qu’il était question de faire la guerre aux infidèles; mais depuis
que la tactique européène a fait des progrès que l’ignoranCe des
Turcs n’a pu ou n’a voulu suivre, et depuis surtout que les liens
de cet Empire sont rompus ou relâchés, l’ardeur guerrière des janissaires
s’est bien amortie. Cette troupe, si long-tems formidable,
n’est plus qu’un amas informe d’ouvriers, de marchands, de cultivateurs
, de bateliers , sans discipline, sans courage, toujours
prêts à déserter ou se mutiher contre les chefs.
On a formé depuis quelque tems un corps d’infanterie de plus
de trente mille hommes, sous le nom de topchis ou canoniers. Répandus
dans la capitale et dans le reste de l ’Empire, ils reçoivent
une paye modique, et sont obligés de joindre leurs drapeaux lorsqu’ils
en reçoivent l’ordre.
Indépendamment des autres corps de troupes, tant à pied qu’à
cheval, qu’on lève en tems de guerre, ou que les pachas gardent
à leur service , on distingue les sélictars, troupe de cavalerie,
moins nombreuse, moins répandue que celle des spahis, et les délis
ou délibaches (1), volontaires à cheval au service des pachas. Ces
délis sont braves, déterminés, entreprenans, toujours prêts à exécuter
les ordres de leur maître dans les expéditions qu’il ordonne,
dans les extorsions qu’il fait faire. Us le suivent à la guerre, font
l’office de troupe légère, combattent sans ordre, sans discipline:
(*) D é li, en turc, signifie fo u , et dëUbadie, tête fo l le .
ils arrêtent et ramènent au combat les fuyards, et se précipitent
souvent dans les rangs ennemis , avec une audace qui étonne et qui
détermine quelquefois la victoire en leur faveur.
Lorsqu’un pacha est disgracié ou qu’il renvoie, pour quelque
m o tif, ses délibaches, comme ils se trouvent sans paye et sans
ressources, ils commettent alors les plus horribles brigandages ;
ils se répandent dans les champs, dans les villages, et même dans
les villes; ils volent indistinctement, mettent tout à contribution,
arrêtent et dépouillent les caravanes, jusqu’à ce qu’ils soient appelés
auprès de quelqu’autre pacha ou qu’une force imposante les ait mis
en ftdte et dispersés..
Dans l ’Empire le plus despotique, la volonté du souverain est
limitée, circonscrite ou entravée par des lois et des usages qu’il ne
peut méconnaître sans danger : tel est l’Empire othoman. Comme
successeur des califes, le sultan réunit en lui tous les pouvoirs ; il
est souverain absolu, législateur, pontife et chef suprême de la religion
: il peut créer, changer et modifier, selon son désir ou son
caprice, les lois de l’État : il établit les impôts et les taxes qu’il juge
nécessaires : il dispose à son gré de toutes les places éminentes, administratives
et militaires, religieuses et judiciaires de l’Empire : il
est le maître de la vie et de la fortune de tous ses officiers et de tous
les agens qu’il soudoie ; cependant il trouverait des obstacles insurmontables
s’il tpuchait aux lois fondamentales déposées dans le livre
du prophète , et même à la plupart de celles qu’un usage immémorial
a rendues pour ainsi dire aussi sacrées que les autres. En
établissant des impôts, il a l’attention de pas trop charger le
peuple, toujours prêt à manifester son indignation, à se soulever,
à demander la tête du vîsir, à déposer le sultan et à se porter à
toutes sortes d’excès. Il respecte ordinairement, dans la nomination
des gens de lo i , le grade et l ’ancienneté de service , parce qu’il
craindrait d’irriter et de révolter le corps auguste et redoutable des
ulémas : enfin, il ne peut légalement faire mourir un simple particulier
ni usurper ses biens, sans un jugement préalable, sans une
sentence des gens de loi.
Il est arrivé cependant plus d'une fois que le grand-seigneur, Je'
Y a