a6 V O Y A G E D A N S L’ E M P I R E
assez de condamner ces infortunées à de longues privations, de ne
leur faire connaître de l ’amour que ce qui devait exciter en elles
des désirs, il fallait même leur ôter la consolation d’épancher leur
coeur dans le sein de l’amitié.
Le~chef des eunuques noirs, nommé K isla r-A g a , est un des plus
grands personnages de l'Empire : c’est lui qui porte aux esclaves
les volontés de son maître ; c’est lui qui leur annoncé le bonheur
qu’elles ont de lui plaire (1). Indépendammént de l’autorité qu’il
exerce dans le harem, il a la surintendance de toutes les mosquées
impériales; il est chargé de l’administration générale de toutes les
fondations pieuses qui y sont relatives ; il a la prééminence sur le
ch e f des eunuques blancs , ét , ce qui est plus flatteur pour un
esclave, il approche plus souvent de son maître, et jouit plus ordinairement
de sa confiance. Son revenu est très-considérable.
Le K h a sn e -V ek ili est le second eunuque du sérail; il remplace
le K isla r-A g a lorsqu’il meurt ou qu’il est destitué. Il a l’administration
générale du trésor intérieur impérial, qu’il faut distinguer
d u trésor particulier du grand-seigneur, administré par le Khasna-
dar-Aga, un des pages de confiance. Il y a quelques autres eunuques
élevés en dignité, tels que celui de la reine-mère, celui à qui la garde
des princes est confiée, ceux qui desservent la mosquée royale de
la sultane Validé, où les-esclaves du grand-seigneur vont faire leur
prière ; celui qui a la surveillance particulière de l’appartement de-
VH asseki, et quelques autres dont les fonctions sont moins importantes.
Les eunuques blancs n’approchent pas des femmes : ils sont employés
hors du harem et au service particulier du sultan. Ils ont la
garde des portes du sérail ; ils surveillent et instruisent les pages -
Leur chef se nomme Capou-Agassi.
On remarque, vers le milieu de la rue de P é ra , un palais considérable
dans lequel un grand nombre de jeunes gens sont logés r
nourris et entretenus aux dépens de l’État : on les nomme Ichoglans..
(1) Tout ce qu’on a dît relativement au mouchoir présenté ou jeté à l’esclave qui
plaît eu sultan 2 est faux , et mérite à peine de figurer dans un rom au..
Us sont destinés à être pages du sultan et à occuper les principales
charges de la cour. Des codjas ou précepteurs viennent tous les
jours leur enseigner le turc, l’arabe et le persan, leur montrer à
écrire et les instruire dans les préceptes du Coran. On les exerce
aussi à lancer la djerid (1) , à monter à cheval, à marner le sabre
avec dextérité : on les accoutume en même tem£. aux fonctions
qu’ils doivent remplir auprès du souverain. On en élève également
un grand nombre dans l’intérieur du sérail. Les eunuques blancs,
à la garde desquels ils sont confiés, les traitent avec la plus grande
sévérité, et les punissent rigoureusement de la moindre faute qu’ils
commettent. Ils sont vêtus de blanc et nourris avec sobriété. Ce
sont des enfans de Chrétiens pris à la guerre,, ou achetés en Geor^
gie , en Cireassie : il en vient de diverses frontières de l’Empire
et des États de la Barbarie : on y admet aussi des fils de Musulmans,
depuis que les Turcs ne font plus aux Chrétiens la guerre
avec autant d’avantages qu’ils la faisaient autrefois.
Les Ichoglans qui ont bien profite de leurs etudes , ceux qui
montrent le plus de capacité et d’intelligence, sont les premiers
admis parmi les pages ; ils remplissent successivement les places
vacantes , et occupent à leur tour les plus grandes charges du
sérail. Ils reçoivent souvent des commissions très-lucratives de la
part du souverain , et de riches présens de ceux pour qui ils sollicitent
et obtiennent des emplois.
Parmi les jeunes gens pris à la guerre , achetés ou venus de
toutes parts, le plus grand nombre, sous le nom (le Adjeni-Oaliin,
est destiné aux moindres emplois du serail : on en fait des portiers ,
des fendeurs de bois, des cuisiniers , des^boucliers, des porteurs
d’eau ; en un mot, toute sorte de valets : il y a rarement parmi
eux des fils de Musulmans. Lorsque le nombre en est considerable
, on en fait passer parmi les jardiniers.
Les bostangis ou jardiniers sont au nombre d’environ dix mille:
leur chef se nomme Bostangi-Bachi; son pouvoir est très-étendu.
Il a non-seulement le-commandement absolu sur tous les palais et
¿1) Bâton léger, qui tient lieu de la lance arabe dans le* combats simulés.
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