avaient que des agens du pays, juifs ou grecs, qui remplissaient les
fonctions de consul, sinon avec intelligence et probité, du moins
avec le plus grand zèle, moyennant un barat de drogman qui les
mettait sous la protection immédiate d’un ambassadeur, et les faisait
jouir de tous les privilèges accordés aux Européens. Mais depuis
peu d’années le gouvernement français y a créé un vice-consulat,
espérant qu’un agent national protégerait avec plus d’efficacité les
navires qui sont obligés d’y séjourner, qu’il fournirait en outre aux
vaisseaux de guerre qui viennent mouiller aux Taches blanches,
les secours dont ils ont besoin, et qu’il transmettrait à l ’ambassadèur
toutes les nouvelles que sa position le met en état de recueillir.
Les vaisseaux de guerre des puissances amies de la Porte otho-
mane entrent sans obstacle dans le cañal, et viennent mouiller aux
Taches blanches et à la Pointe des Barbiers ; mais ils ne peuvent,
dans aucun cas, dépasser les_seconds châteaux sans une permission
expresse du sultan. Lés navires marchands peuvent faire route si le
vent le permet, et aller en droiture à Constantinople ou dans tel
port de la Propontide. qu’ils jugent à propos ; mais à leur retour ils
sont obligés de mouiller à Nagara ou aux Dardanelles, pour y être
visités. C’est ordinairement le lendemain de leur arrivéé que cette
visite a lieu : elle a pour objet, i°. de constater si tous les droits
sont acquittés à la capitale, si on n’a point embarqué, sans permission,
des marchandises prohibées ; s’il n’ÿ a pas à borddes esclaves
fugitifs ou des sujets non musulmans qui voudraient s’expatrier.
C H A P I T R E . X X I I I .
Course à la Troade. Description de cette contrée.
Aperçu de sa population et de ses productions. Des
chênes qui produisent la galle du commerce et la
■vélanède.
A p r è s avoir parcouru, la sonde à la main, presque toutes les
côtes de l’Hellespont, et avoir pénétré en divers points, dans l’intérieur
des terres , pour en Connaître les productions, nous nous
empressâmes d’aller visiter la Troade et porter nos regards sur des
lieux que le génie des Grecs et des Romains ont rendus si célèbres.
Nous nous embarquâmes aux Dardanelles/le 10 pluviôse sur un
calque tu rc , avec un vent de nord u n peu frais, et dans deux
heures nous fûmes rendus au premier château d’Asie. Nous fîmes
transporter aussitôt nos matelas et nos provisions au village grec
situé sur le cap Sigée, où nous espérions être plus tranquilles et
trouver plus de facilités pour suivre nos observations loin des regards
soupçonneux des Musulmans.
Nous avons été bien agréablement surpris en parcourant la
Troade, l'Ilia d e d’une main et la carte du citoyen Lechevalier dé
l ’autre, de trouver la plus' grande exactitude dans les tableaux
qu’Homère nous a transmis. On ne retrouve presque plus f il est
v r a i, la tracé des villes qui ont existé dans ces contrées : la population
même a «disparu ; mais le .cours du Simûïs et celui du Sca*
mandre n’ont point changé : on aperçoit sur les rives de ce dernier,
les marécages dont parle Homère-: le teins n’a pu détruire
les monticules de terre sous lesquels reposen t les cendres dos héros
dont les noms sont parvenus jusqu’à nous ; les flots de la mer n’ont
produit aucun changement sensible sur la eÔte; les terres sont
toujours fertiles, et susceptibles de nourrir un grand nombre d’ha-
bitans : des forêts de-pins et de éhênës couvrent encore le mont Ida,
e t toutes les montagnes qui se présentent à l ’est de la Troade.
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