pas alors des mêmes avantages que les-esclaves musulmans, et'
qu’ils sont traités avec moins de douceurs. On les emploie aux
travaux les plus r u d e s - les plus vils, et ils ne peuvent espérer de
se voir affranchis qu’en payant une rançon ; ce qui leur est presque
toujours impossible, car ils ont rarement les moyens de faire parvenir
des nouvelles dans leurs familles ; et s’ils étaient assez industrieux
pour gagner quelqu’argent-, et assez économes pour le conserver
, ils seraient infailliblement dépouillés par leurs maîtres ou
par les autres esclaves, attendu qu’un Musulman se croit dispensé,
à l’égard d’nn Chrétien ou d’un Juif, des procédés honnêtes auxquels
il rougirait de manquer envers un homme de sa religion.
Nous avons dit que le commerce des esclaves était interdit aux
Juifs et aux Chrétiens qui habitent la Turquie. On ne laisse entrer
dans le basar où les femmes sont exposées en vente, que les Musulmans
qui se présentent pour aclieter. Lés Européens ne peuvent
pas y être introduits sans un firman du sultan, qui ne s’accorde
qu’aux ambassadeurs et agens des puissances étrangères, lorsqu’ils
sont à la veille de quitter l’Empire othoman. Nous profitâmes avec,
plaisir, peu de jours avant notre départ, du firman qu’obtint le
citoyen Carra Saint-Cyr, pour satisfaire notre curiosité à cet égard.
Nous vîmes, avec lu i, les monumens échappés à la barbarie, au
tems et aux incendies, les principales mosquées, les maisons des
-fous , la ménagerie et le marché des esclaves femelles. Mais soit
que. les marchands , prévenus de notre arrivée, ;les eussent fait
retirer, soit que ce ne fût pas la saison où elles sont le plus abondantes,
nous trouvâmes peu d’esclaves au basar, e t parmi celles
que nous vîmes, la plupart étaient voilées et enfermées dans leurs
chambres ; de sorte que nous ne pouvions les voir qu’un moment
par une fenêtre qui se trouvait à côté de la porte.
Nous nous arrêtâmes à en considérer trois qui nous frappèrent
par leur beauté et les pleurs, qu’elles répandaient;: Elles étaient
grandes, bien faites, âgées à peine de quinze ans; l ’une.d’elles, la
tête et le bras gauche appuyés contre le mur, poussait des sanglots
qui nous déchiraient-le coeur. Rien ne put la distraire de sa profonde
douleur : ses compagnes, appuyées l’une contre .l’autre, se
tenaient par la main tandis que nous les considérions. Elles jetèrent
sur nous des regards qui exprimaient sans doute le regret d’avoir
perdu leur liberté, d’avoir été arrachées des bras d’un père, d’une
mère trop cruels ; d’avoir été séparées peut-être de ceux avec lesquels
l’amour et l’hymen devaient unir leur sort.
Les marchands, imbus de préjugés ridicules, craignent le regard,
mal-faisant des Chrétiens et des Européens ; une femme ne peut
être vue par eux sans être dépréciéé, .sans courir le risque d’être
atteinte de leur maligne influence. D’ailleurs, ces esclaves, encore
Chrétiennes, peuvent, selon ces marchands , devenir subitement
amoureuses d’un homme de leur religion et tenter de s’enfuir. Ils
craignent aussi que la trop grande affliction dans laquelle les plonge
tout ce qui leur rappelle des souvenirs bien chers, ne les fasse tomber
malades ou ne cause une mélancolie qui altère leur santé.
Le bâtiment n’a rien de remarquable et ne répond pas à la beauté
des caravanserais , auxquels il ressemble pour la forme et la construction
, ni à celle de la plupart des basars de la capitale. Qn voit
une suite de petites chambrés nues , qui ne reçoivent le;jour que
par une porte et une petite fenêtre grillée et .placée a côté. C’est
dans une de ces chambres que sont entassées les infortunées qui
appartiennent au même marchand ; c’est là où Chacune attend que
le sort la fasse tomber entre les mains d’un homme jeune ou vieux ,
robuste ou infirme, doux ou colère, bon ou méchant, pour devenir
son épouse ou sa concubine , ou servir les femmes de son
harem.
Les Négresses que le commerce , retire annuellement de l’-Éthiopie
et de la Nubie, sont élevées, ainsi que les esclaves blanches, dans
la religion de M ahomet, et .traitées avec la même douceur que les
autres ; mais, plus particulièrement destinées au service des harems,
il. est rare qu’elles partagent la couche du maître. Après quelques
années de service, la plupart sont mariées à des esclayes
blancs. Affranchis l’un et l ’autre, on donne.au mari de quoi monter
un petit magasin bu «exercer un état qui fournisse à leur entretien.
Souvent on les garde dans la maison sans les affranchir; la
femme sert, dans le besoin, de nourrice aux enfans de sa maîtresse,