et varié : on y remarque entr’autres des mûriers, des platanes, des
frênes, des ormes et des noyers.
Les tombeaux des Arméniens sont très-rapprochés les uns des
autres, et sont recouverts d’nn marbre sculpté en relief à sa partie
supérieure', représentant un vase de fleurs, l ’instrument qui désigne
l ’état et la profession du mort , et une inscription, en caractère
arménien. Il faut que l ’homjne soit mort bien pauvre s’il n’a sur sa
tombe qu’une pierre simple, saris ornement. Souvent on aperçoit,
à côté de l’inscription, la figure d’un homme dont la tête est tranchée
; c’est un moyen de perpétuer le souvenir d’une injustice, d’un
acte de tyrannie de la part des Turcs , et de le transmettre à la.
postérité la pins reculée.. J’ai vu souvent dans la matinée , des
femmés àrméniènes pleurer et gémir sur la tombe d’un mari, sur
fcèile d’iiri pèré, d’une mère ou d’un enfant : la famille ¡entière , y
vient quelquefois : souvent aussi des prêtres viennent , avec les
parens du défunt, réciter, sur sa tombe, des prières pour le repos
et le salut de son ame. Les Arméniens se font, comme les Turcs ,
nn devoir de laver le corps de leurs morts ayant de les ensevelir,
e t presque tous ont l'attention déplanter, auprès de la tombe, un
àrb'rè qui puisse l’ombrager ùn jour , et modérer les ardeurs du
soleil.
De ce beau site on descend rapidement, par divers chemins,,
dans nn vallon-étroit, fertile, où des Turcs cultivent avec assez
péri d’intelligence le mûrier n o ir , quelques arbres fruitiers etplu-
êieurs plantes potagères, telles que la fève des, marais la laitue, la
chiborée ,-'la ketmie , l ’aubergine et diverses courges. On laisse à
quelque distance, à droite, le cimetière turc dont nous ayons parlé ;
à garicheyun terrain inéga l, souvent inculte : à l’extrémité de ce
talion on trouve., à peu de distance de la mer , une promenade
plantée de vieux cyprès et de quelques ormes, trop éloignée , de la
ville pour iêtre fréquentée;'On voit au-delà deux palais-du-sultan,
dorit-l’u n , situé sur une hauteur, est: en assez mauvais état ; l’autre,
placé au bord du canal de la Mer-Noire ,.est entretenu et soigné ;
cëlùi-ci a des jardins assez vastes , divers édifices et plusieurs kiosks
ou'petjts pavillons ornés et enjolivés extérieurement- Selipi III y va ,
vy dit-on,
dit-on, chaque année passer quelques jours , au commencement
de la belle saison : il emmène avec lui son harem, quelques pages
et la plupart de ses officiers.
Nous avions été déjà plusieurs fois sur la côte d’À s ie , et nous
avions rapporté des plantes et des coquilles terrestres infiniment
intéressantes : nous avions parcouru les vastes cimetières de Scutari
et visite le sol de,Calcédoine, lorsque nous résolûmes, le i5 prairial
, d’aller assister aux cérémonies religieuses des derviches hurleurs
, et de monter sur la montagne de Bourgourlou , afin de
jouir pleinement de la vue de Constantinople. Du vallon dont je
viens de parler, noys nous rendîmes à l ’échelle de Dolma-batché
avec quelques-uns de nos amis : nous avions emmené deux janissaires
du palais de France, pour nous servir d’escorte et de guides.
Cette précaution n’est pas absolument nécessaire aux environs de
la capitale ; car il est très-rare que, dans des tems ordinaires , plusieurs
Européens réunis y soient insultés par des Turcs ; mais elle
est convenable et quelquefois même utile, parce qu’on est plus respecté
, plus considéré ; l ’on obtient d’ailleurs ce dont on a besoin
avec plus de facilité, et toujours à un prix plus modéré que lorsqu’on
.est seul.
. Nous nous embarquâmes sur des caïques à trois paires de rames.
La mer était calme, le tems très-beau; dix minutes nous suffirent
pour traverser le canal et mettre pied à terre à Scutari. Cette ville ,
que l ’on regarde comme un faubourg de Constantinople, est située
à la rive opposée du canal , sur un terrain en pente : elle: se présente
en amphithéâtre, et offre un co u p -d ’oeil très-pittoresque
par le mélange des arbres, des maisons, des mosquées et des minarets.
Sa population est évaluée à près de soixante mille ames.
Le plus grand nombre des habitàns de Scutari est musulman : il
y a cependaut beaucoup de’ Grecs , quelques Arméniens et quelques
Juifs. Cette ville sert d’entrepôt et de point de ralliement aux
caravanes d’Asie : elle fait quelque commerce dans l ’intérieur des
terres et avec Constantinople. On y voit quelques fabrications
d’étoffes de soie et d’étoffes de coton. Le terrain qui l’environne
est assez bien cultivé , et fournit des grains , des légumes , des
F