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 est  taillée si près du cep ,  qu’il ne  reste  aucun  bourgeon  apparent ;  
 ce  qui n'empêche  pas  qu’elle  ne  pousse  plusieurs  sarmens  vigoureu 
 x ,  et  qu’elle  ne  donne  une  assez  grande  quantité  de  raisins*  
 Ceux  qui  cultivent  le  mieux,  ne  donnent  qu’un  labour,,  et  ne  
 portent  jamais  d’engrais  à  leurs  vignes.  Ils  aiment mieux  les  employer  
 aux  terres  destinées  à  recevoir  des  grains  ou  quelques  
 plantes  potagères. 
 Lorsqu’ils  veulent  planter  une  vigne,  les  habitans  de Kissamos  
 se contentent de ficher  en  te rre,  à deux  pieds  de  profondeur,  un  
 fer  pointu,  et  de  mettre  leur  plant  dans  le  trou  en  piquant  tout  
 autour  la  terre  au  moyen  du  même  fer.  Cette  méthode  est  sans  
 doute vicieuse ;  mais  elle économise les frais de plantation ;  et dans  
 un  pays  où  il  est  dangereux  d’être  plus  riche'  que  son  voisin,  
 l'industrie  est  toujours  paralysé«.  Pourquoi;  d’ailleurs  le  Grec  
 chercherait-il,  dans  les campagnes,  à doubler  les  produits  de  son  
 champ  r  II- est content  s’il a du pain pour sa famille : deux ou trois  
 tonneaUx  de  vin  lui  suffisent ;  s’il  en  avait  cinq  ou  s ix ,  il  serait  
 remarqué :  le  soubaehi  ne  manquerait  pas  de  prétextes  pour  le  
 dénoncer,  et l-’aga  de moyens  pour  le dépouiller. 
 Le  vin  de  Kissamos  est  clairet,  spiritueux,  d’une  assez  bonne  
 qualité  :  comme  il  n’est  point un  objet de  commerce,  attendu que  
 lé  transport  à la  Camée serait  trop  coûteux,  les  Grecs  et  les Musulmans  
 en  font  une  assez  grande  consommation.  Les  premiers'  
 en  convertissent  une partie  en  eau-de-vie  pour  l’arrière  saison,  
 parce  q u elle  se  conserve  mieux  et  occupe moins  de  place  que  le  
 vin. 
 On  vendange  aux  premiers  jours  de  fructidor.  Les  raisins,  à  
 cette époque,  ont acquis la plus grande maturité. On les  transporte  
 dans  le fouloir  construit  en maçonnerie au milieu de  la Vigne  :  on  
 lés  y   amoneêlè,  et on lés y  laisse huit à dix jours  exposés  au soleil.  
 On les y  foulé  ensuite',  et l’on  transporte au logis le moût que l ’on  
 verse dans des  tonneaux. On ajoute ordinairement un  quart ou un  
 cinquième  d'eau,  et  la   plupart  des  habitans  sont  dans  l’usage  de  
 mettre  dans le  vin  qu’ils destinent aux T u rcs ,  du  sel",  du plâtre et 
 même  de  la  chaux,  pour  lui  donner  un  piquant  que  ces  derniers  
 aiment  et recherchent. 
 Il y  a sur lé golfe de Kissamos une carrière de beau gypse que les  
 Crétois  exploitent mal.  Les  maçons  du  pays  ne  connaissent  pas  
 d’autre manière  de  le  convertir  en  plâtre,  qu’en  le  mettant  concasse  
 , à l’épaisseur de cinq à six pouces,  dans le four du boulanger. 
 Le  fort de Grabüse,  situé sur un îlot  escarpé,  à  la partie la  plus  
 occidentale  et septentrionale de Crète,  est  compris  dans  le  district  
 de Kissamos.  Les  Turcs  ne pouvant  s’emparer  de  ce  fort au commencement  
 du  siècle  dernier,  prirent  le  parti  de  corrompre  le  
 commandant,  et  celui-ci  fut  assez  immoral pour  tendre la m a i n   à   
 l’or qui lui fut  offert,  et assez  lâche  pour  livrer  une  place  que  la  
 république de Venise lui  avait Confiée.  La  réunion  de  trois  petites  
 îles  et d’un  cap  avancé  forme  un  port naturel  dans  lequel les plus  
 gros Vaisseaux mouillent  en  sûreté.  On  évalue  la  population  des  
 Turcs  de Kissamos,  à  plus  d’un  tiers  des  habitaps. 
 La   province  qui  se  trouve  au  sud  de  celle de Kissamos,  a pris  
 son  nom  de  Selino,  petite  ville  bâtie  sur  la   cÔte méridionale  de  
 l’î le ,  à  la  place  qu’occupait  autrefois  Lissa  ou  L is sa s ,  lieu  peu  
 important,  dont Ptolomée fait mention.  Elle est très-fertile,  quoiqu’elle  
 soit  presqu’entiérement  montagneuse.  Elle  fournit  un  peu  
 de  soie,  de miel,  de  c ire,  et  une  assez grande quantité  de  fru its,  
 tels  que  Cerises  ,  abricots,  pêches,  poires,  oranges.  C’est  la seule  
 province  où le  châtaignier  soit  cultivé  :  cet arbre y  est  abondant,  
 et  il: réussit  très-bien  sur  les  collines  et  les  montagnes  schisteuses  
 de  cette  Contrée.  On porte les  châtaignes à la Cârtée,  à  Réthymo,  
 à  Candie.  On  en mange dans ces villes,- depuis  le milieu  de vende*-  
 miaire jusqu’à  la fin du printems:  Il en sort chaque année une assez  
 grande  quantité  pour  la  Syfie. 
 L ’huile est  cependant  la  principale  denrée  de  Sélino  :  elle passe  
 pour être meilleure dans Cette province ,  que  dans  tout  le  reste de  
 Pile.  Les  négocians  de  la  Canée  établissent  ordinairement  leurs  
 spéculations sur la quantité et  sur la qualité des huiles de Sélino. 
 Le  vin,  le  blé  et  l’orge  sont  peu  âbondans.  La  population.des  
 Turcs est évaluée ù  un quart ou un cinquième des habitans. 
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