peu chargé d’armes, accoutumé à gravir les montagnes, disparaissait
en un moment, tandis que le T u r c , qui ne sait combattre
qu’à ch ev a l, qui est lourdement vêtu , pesamment a rm é, ne
pouvait suivre son ennemi à travers les rochers et les précipices
qu’il fallait franchir pour l’atteindre.
Les Turcs mirent pendant tout l ’été beaucoup d’obstination à
combattre les Sphachiotes ; mais ensuite surpris d’une résistance
à laquelle ils ne s’attendaient pas, trompés dans leurs espérances,
effrayés -des approches du froid et fatigués d’une guerre pénible
et désagréable, ils demandèrent hautement à retourner chez eux.
Les Sphachiotes, de leur côté, se trouvaient réduits à la dernière
extrémité : presque tous leurs villages avaient été incendiés : on.
leur avait enlevé un grand nombre de femmes et d’enfans ; ils
avaient perdu leurs troupeaux ; leurs provisions étaient épuisées,
et la terre qu’iis ne pouvaient cultiver, ne leur fournissait plus
rien, de sorte qu’ils accueillirent avec plaisir les premières propositions
qui leur furent faites ; ils consentirent à payer le tribut
annuel auquel tous les Grecs sont soumis, et par ce moyen ils
purent rentrer dans leurs foyers, et continuer leurs échanges avec
les villes maritimes.
Comme les T u r c s , dons cette occasion, n’avaient pu emmener
avec eux des chevaux et se faire suivre par des bêtes de somme,
ils avaient imaginé de charger trois ou quatre mille Grecs de leurs
bagages; et -dans les dtfï'érens combats qu’ils eurent à livrer, ils
placèrent ces Grecs devant eux pour se faire un rempart de leur
corps.
Ce trait de barbarie et de lâcheté, qui nous a été raconté pa r un
grand nombre de Sphachiotes, fut ce qui affecta le plus ces braves
montagnards, et ce qui contribua le plus à les réduire dons un
état déplorable. Souvent ils n’osaient tirer sur Leurs ennemis, dans
la crainte d’atteindre ceux qu’ils regardaient comme des frères
encore plus infortunés qu’eux.
Quoique les Sphachiotes paient leur karatch avec la plus grande
répugnance,, et qu’ils soient bien disposés à profiter du premier
moment favorable pour tenter de secouer un joug qui leur pèse.,
ils se Sont bien gardés de céder, pendant la dernière guerre de*
Russes contre les Turcs, aux sollicitations qui leur furent faites
de prendre part aux arméniens qui eurent lieu à Trieste, et qui
forent commandés par lë capitaine Lantbro. Ils ont mieux jugé,
dans cette Occasion, les événemeUs, qu’ils ne l’avaient fait donS
l ’àütre ; et certes ils n’ont eii qu’à s’applaudir de cette Conduite :
ils auraient infailliblement perdu le peu de privilèges qui leur
restent.
Lambro Cansiani, né à Thèbés de parens pauvres, se livra dès
son enfance âu métier de marin. Il connut dé bonne heure toutes
les côtes de la Grèce et du Pélôpohèse; il vit presque toutes les îles
de l ’Archipel ; il eut plusieurs fois occasion de mouiller dans tous
les ports et dans toutes les baies du Pont-Eüxin, ét quoiqu’il ne
fût que simple matelot, il se distingua tellement par Son intelligence,
SOU courage, son audace ét surtout par sa haine envers les
Turcs, qu’il fut admis; encore jeune, comme officier, au service
de la Russie. Il prit pa r t, en cette qualité, au siège de Coron
en i'776; il se trouva la même année au combat de Tchesmé : il se
fit plusieurs fois remarquer sur la Mer-Noire pendant la conquête
de la Grimée par les Russes ; enfin il fut promu par l’Impératrice de
Russie, au grade de Colonel.
La güerré qui eut lieu en 1787 , fit concevoir à cet homme ,
aussi brave qu’entreprenant, l ’espoir de jouer un grand rôle dans
sa patrie. Il Savait que les Grecs se réveillent toujours au mot de
liberté : il les connaissait capables des plus grands efforts pour
l’obtenir : il se flatta de les affranchir du joug othoman si la Cour
de Russie voulait se prêter à ses vues.
Mais il paraît que Catherine hë fût pas disposée à seconder
des projets qu’elle jugeait peut-être extravagânS, et peut-être
aussi en fht-elle détournée par la noblesse russe, qui regarde;
dit-on, la conquête de la Turquie européêne et l’affranchissement
des Grecs comme contraire à ses intérêts. Quoi qu’il en soit,
Lambro ne pouvant obtenir de l’impératrice hi Vaisseaux ni '
argent, ne se décida pas moins à armer à TrièSte, aux frais
de ses amis, douze petits navires dont il prit le Commandement,
. • D d d a